Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/436

Cette page n’a pas encore été corrigée

433 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

à l’étude des sons, au mouvement des astres, aux phénomènes optiques ? Mais alors si la science, par un de ses côtés, est en contact direct avec les choses du monde sensible, si par là elle se pose naturellement pour but la satisfaction des besoins matériels, l’amélioration des conditions physiques où se déroule notre existence, est-il évident que ses progrès doivent être en raison du désintéressement où l’humanité sera capable de se tenir à l’égard de toute préoccupa- m tion pratique ? Notre loi ne prend-elle même pas la tournure d’un paradoxe, et ne pourrait-on essayer de dire avec plus de vraisemblance qu’au contraire la science atteindra de mieux en mieux ses fins, si les savants portent de plus en plus leur attention sur les problèmes pratiques, s’ils ne consentent même à cultiver la théorie qu’eu n’oubliant jamais les rapports étroits qu’elle doit. garder avec les applications futures ? Ainsi la loi que nous avons formulée est loin d’être une évidente naïveté elle revient à dire que les progrès de la science appliquée elle-même sont d’autant plus marqués que l’homme a été plus capable de spéculation pure ; elle subordonne la pratique à la théorie, et à une théorie le plus complètement détachée de tout souci utilitaire ; elle semble dire que l’intelligence humaine doit s’abandonner librement à ce qui lui plaît, à ce qui la séduit, et que c’est là même la condition nécessaire pour que les découvertes utiles se produisent, comme résultat naturel d’efforts désintéressés. Avant d’examiner de plus près l’intérêt philosophique que peut présenter cette loi au point de vue du problème de la connaissance, nous ne saurions éviter de répondre à une question qui se pose d’elle-même. L’état actuel de la science, la nature de ses progrès, de sa méthode expérimentale, la poursuite constante des grandes découvertes ou de leurs perfectionnements, n’opposent-ils pas un démenti à la loi que nous avons cru pouvoir énoncer ? Ou bien, si, en dépit des apparences, cette loi conserve encore toute sa validité, les tendances pratiques et utilitaires de la science, en cette fin de siècle, n’ont-elles pas de quoi nous inspirer les plus vives craintes pour un temps plus ou moins éloigné ? Car les succès étonnants du présent ne sauraient être. une garantie suffisanle pour l’avenir’. Rassurons-nous. D’une part, jamais il n’avait été donné d’assister à une éclosion de travaux théoriques aussi abondante qu’aujourd’hui. Ouvrez les journaux spéciaux, les revues scientifiques, les bulletins de 9 ̃1. CC Renouvier, le Progrès dans les Sciences, Crit. phil., 1, 1878.