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circonférence ; et, du point , où les circonférences se coupent mutuellement, conduisons aux points , , les droites ,  ». La démonstration άπόδειξις peut alors se dérouler sans interruption sur une figure, dont toutes les lignes sont tracées. Quand elle est terminée, la conclusion, ou συμπέρασμα, énonce triomphalement que le problème, indiqué d’abord d’une façon générale, puis déterminé avec précision sur les données d’une figure, se trouve résolu et cet énoncé se fait en reprenant exactement et patiemment les termes de la πρότασις, avec, en plus, les notations posées par l’ἕχΘεσις. « C’est donc un triangle équilatéral que , et il est construit sur la droite donnée et finie . » Les derniers mots sont invariablement : ὅπερ ἔδει ποιῆσαι à moins qu’il n’ait été question d’un théorème à établir, auquel cas ποιῆσαι est remplacé par δείξαι.

C’est ainsi que le livre contient comme une série de couplets, formant chacun quelque chose d’ordonné, de rythmé, pour ainsi dire, se déroulant suivant certaines règles de composition, et se terminant par une sorte de refrain. Il est bien évident que ce n’est pas l’allure d’un traité qui vise les applications usuelles, et que la spéculation pure et désintéressée s’accorde seule avec ces harmonieuses lenteurs où se complaît le géomètre grec.

Cette impression est confirmée au delà de toute exigence si on considère la matière des Éléments. On chercherait en vain dans Euclide un seul énoncé donnant la règle d’évaluation d’un volume ou d’une surface. Ce simple trait montre tout de suite à quel point les « Éléments » s’éloignent non pas seulement d’un recueil de règles pratiques, mais même de ce que nous appelons aujourd’hui nous-mêmes un traité de géométrie théorique. Car, bien que nos livres ressemblent encore beaucoup à celui d’Euclide, tant par la forme que par la matière, il n’en est pas un seul qui se crût complet, s’il s’abstenait de donner des règles à suivre pour mesurer la surface d’un triangle, d’un parallélogramme, d’un cercle, le volume d’un prisme, d’une pyramide, d’une sphère, etc.

La considération des surfaces et des volumes n’intervient donc pas dans les « Éléments » ? Oui sans doute elle intervient et prend même une place assez importante dans les spéculations du géomètre, mais elle reste purement théorique, et c’est une distinction qu’il est aisé de comprendre. On peut démontrer que deux parallélogrammes ou deux triangles de même base et de même hauteur sont équivalents, qu’un triangle est la moitié d’un parallélo-