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410 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

gination, et y jouir d’un bonheur pur mais en même temps il développe en lui l’idée d’un être divin et se met sous sa protection. La réalité de ce monde-là, avec la relation au divin qu’elle implique, peut bien ne jamais être démontrée par la voie des sciences exactes ; mais ce n’est pas là une objection qui porte, car la recherche scientifique est limitée au domaine de l’expérience, tandis que la croyance édifie une réalité qui est située au delà de l’expérience. Plus nous nous représentons clairement les limites de notre faculté intellectuelle, plus le monde du sentiment nous parait devoir se développer librement ; ainsi s’accroît en nous une disposition à faire peu de cas de cette faculté et à la tenir à l’écart de toutes relations avec les choses divines. C’est en ce sens que Pascal met en lumière une opposition tranchée entre la têle et le cœur, et en ce sens aussi que la distinction kantienne de la raison théorique et de la raison pratique est souvent entendue parles néo-kantiens. Le sentiment devient donc la source principale de la vérité, c’est seulement en lui que la religion parait affranchie des difficultés des problèmes cosmologiques et en position d’agir immédiatement sur les hommes, de se communiquer également à tous.

Cette manière de partir de l’intériorité est complètement d’accord avec le retour de l’esprit moderne au sujet, et nous reviendrons diffacilement à l’ancienne méthode de fonderJ§.j ?eligioB- partant du } cosmos. Mais nous devons posséder des convictions bien définies de cette intériorité et de sa situation par rapport au tout, pour pouvoir avoir confiance dans cette méthode. Là se pose une alternative, qui ne souffre pas l’indécision. Si notre vie spirituelle, en tant qu’hommes, est un simple fragment de l’ordre naturel, si elle reléve tout entière de l’empire des phénomènes, et si elle constitue seulement un cercle particulier de réalités circonscrit par un autre, alors on ne pourra jamais, en la prenant pour point de départ, atteindre un monde nouveau d’un caractère plus véritable et plus universel. Car en ce cas, quelles que soient ses démarches, l’homme demeure enfermé dans ses propres états subjectifs ; quelque beau que puisse être le royaume de vœux et d’espérances que l’on pourra tisser avec cette matière, qu’est-ce que ce royaume, sinon un tissu qu’il a tiré de sa propre substance, tissu d’imaginations et de rêves ? Nous avons beau aspirer ardemment à un monde meilleur, à l’assistance de forces surnaturelles, ce simple désir n’implique pas la moindre garantie de son accomplissement, « l’intérêt que j’ai à