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R. EUCKEN. – LX PHILOSOPHIE ET LE MOUVEMENT RELIGIEUX. 409 de la finalité des dispositions de la nature à un créateur intelligent et bienveillant, soit que, se plaçant au point de vue panthéiste, elle aperçût immédiatement le divin dans les formes les plus universelles de l’univers, dans la liaison de ses parties, dans la simplicité et l’immutabilité de ses lois, dans son mouvement ascensionnel. Les deux voies sont reconnues aujourd’hui sans issue. Pour aborder la J première avec confiance, il nous faudrait pouvoir jeter les yeux plus profondément dans l’essence des choses, avoir plus de foi dans notre faculté de connaître que la critique révolutionnaire d’un Kant ne nous le permet ; mais, si nous adoptons la seconde voie, des concepts ontologiques et formels ne prennent une signification et une valeur religieuses que par la pénétration de notions nouvelles, ils se remplissent à notre insu du contenu plus riche et plus chaud de la tradition religieuse. De part et d’autre l’idée de Dieu demeure un simple fragment d’une conception théorique de l’univers comment entrer en relation intime avec elle, comment en faire sortir une force capable de transformer et d’élever, on ne le voit pas. D’ailleurs de tout temps c’est la conviction moins du caractère rationnel que du caractère irrationnel de notre univers qui a donné à la religion sa force et son autonomie. Et nous sommes aujourd’hui, même si l’on fait abstraction du pessimisme professionnel, trop pénétrés par le sentiment de l’obscurité et la souffrance universelles, pour y voir, comme elle apparaît au premier abord, une œuvre de la raison, pure ; elle nous apparaît plutôt, ainsi qu’à Platon, comme un enfant de la raison et de la nécessité.

C’est ainsi que dans les temps modernes la philosophie de la religion s’est détournée de la considération de l’univers pour s’appuyer| sur les phénomènes internes de l’âme ; le point de vue du macrocosme recule devant celui du microcosme, la métaphysique devant la psychologie. Mais on interprète cela généralement en ce sens que l’état immédiat de la vie de l’âme, le sentiment pur, doit ouvrir à l’homme une vie qui lui appartienne en propre et un nouveau monde. Dans le sentiment l’homme paraît affranchi du monde des objets et appuyé seulement sur son intériorité ; s’il sait se tenir constamment dans les limites de ce cercle, il paraît alors en sûreté contre toutes les attaques. Dans le sentiment, dans ses mouvements et ses besoins, l’homme trouve, semble-t-il, un mobile singulièrement puissant pour s’élever, au-dessus de tous les soucis et de ̃~ t&utes-les-peines de la vie, dans un monde meilleur de foi et d’ima-.