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R. EUCKEN. – LA PHILOSOPHIE -TET 1E MOUVEMENT RELIGIEUX. 408 pratique du sujet. Par l’effet de cette émancipation, l’essence inlime de la vie cesse d’être placée dans les formes extérieures d’organisation, elle passe à ce qu’il y a d’intérieur dans la personnalité, et par là le procès vital subit un approfondissement notable ; l’homme se conçoit comme un microcosme, et veut vivre à nouveau, d’une façon personnelle, dans son être intérieur, tous les épisodes de la grande vie de l’univers. Cela n’implique pas la chute de tous les liens, mais la suppression de tous les liens dont l’origine n’est pas interne ; c’est’maintenant devant le tribunal de la conviction intime et de la conscience que" doit se justifier cela même qui réclame l’appui de l’autorité extérieure. Assurément cette intériorité n’était pas absente dans les temps antérieurs, mais le fait qu’elle se manifeste maintenant avec plus de force et de conscience de soi est une conséquence d’une autre manière de vivre et d’une autre manière de concevoir la relation qui rattache l’individu à la société. De grandes modifications dans nos vues ont encore été amenées par le développement de la science moderne. Notre terre a dû renoncer à la position qu’elle était censée occuper, au centre de s l’univers, et est devenue’ dans l’univers, quant aux apparences extérieures, un point d’importance tout à fait secondaire ; en même temps des horizons infinis, dans le temps et dans l’espace, se sont révélés, qui menacent de réduire à l’insignifiance absolue les effets que nous pouvons produire dans l’espace et le temps. Plus grave encore que cette révolution quantitative est une autre révolution, qualitative celle-ci. L’analyse pénétrante de la science moderne résout la nature en très petits éléments et en lois élémentaires simples ; sans autres données que celle-là, le réseau le plus complexe de phénomènes peut être déduit, n’importe quelle relation peut être construite. La nature entière apparaît alors comme un système de parties étroitement solidaires, toute exception apparait comme une contradiction avec le tout, et le miracle sensible, cette suspension des lois de la nature, se butte à des difficultés incomparablement plus graves qu’à des époques antérieures, où les lois de la nature n’exprimaient qu’une somme de régularités, « les habitudes de l’action divine » à de telles lois des dispenses pouvaient fort bien être accordéès dans des cas extraordinaires. Du temps de saint Augustin le miracle était, dans son caractère surnaturel, quelque chose d’absolument naturel dans les batailles du siècle de la Réforme, il demeu~– rait encore incontesté ; la science moderne, au contraire, partage la