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39* REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

comme trop particulières et insuffisantes c’est celle du D1 Picon, qui veut rendre compte de tout. par le progrès des maladies vénériennes, et celle de Spencer, pour qui la diminution de l’activité génératrice doit correspondre au développement de l’activité intellectuelle. Toutes les autres théories, et celle de l’auteur comme les autres, impliquent un intermédiaire psychologique ; la cause prochaine de la natalité y est toujours consciente et volontaire ; elle résulte d’une résolution de l’individu, résolution que sans doute il restera à expliquer elle-même. Ainsi, que M. Dagan le veuille ou non, puisque la cause primitive, économique, politique ou sociale n’agit qu’en passant par la conscience individuelle, qu’en influant sur les manières d’agir conscientes des individus elle agit toujours par l’intermédiaire de causes morales. Le nombre des enfants diminue, parce qu’on est amené à vouloir qu’il diminue ; nous sommes en présence, ceci ne peut guère être contesté, je crois, d’une limitation volontaire de la natalité.

Là question une fois précisée de la sorte, il est clair que toutes les causes qui tendent à produire cette volonté de limiter le nombre des enfants dans la famille peuvent toutes influer sur la situation présente ; et M. Dagan n’a plus aucun droit d’écarter dédaigneusement les unes ; celles qui ont un caractère plutôt moral, pour n’attribuer quelque valeur qu’à celles qui lui paraissent exclusivement économiques. Et il est clair encore que si plusieurs influences diverses peuvent aboutir de concert à produire cette volonté, ou mieux que si elle ne peut être expliquée complètement que par le concours de plusieurs influences, et non par l’action immédiate d’une seule, plusieurs des explications proposées de nos jours ont chance d’être vraies à la fois, sans qu’aucune le soit tout à fait à elle seule.

Et, tout d’abord, comme la génération est le résultat d’un instinct naturel, un des plus primitifs et des plus forts parmi les instincts, il faut reconnaître que la limitation volontaire de la natalité se ramène à la subordination d’une tendance brutale à des considérations d’ordre intellectuel, à des calculs de prévoyance ; par suite encore il faut reconnaître qu’elle n’est rendue possible que par un certain degré d’intelligence, de réflexion et de culture. Et que les raisons qui peuvent retenir l’individu à cet égard soient du plus bas égoïsme et profondément immorales, il n’en reste pas moins qu’elles sont de nature intellectuelle, et donc, en ce sens, d’ordre moral.