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380 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE. ET DE MORALE.

l’une de ses principales théories a été dans ce livre même (p. 238 et suiv.) l’objet d’une critique décisive. On n’oublie pas non plus que Berkeley paraît représenter cet idéalisme qui dénie au monde extérieur toute existence à part de l’esprit. Mais ce ne sont là que des caractéristiques superficielles de sa pensée, qui a obéi à une plus profonde inspiration. Ce qu’il y a par-dessous son associationnisme, et son immatérialisme, c’est une tentative pour ramener l’objet construit par les métaphysiciens à la donnée psychologique, à la donnée immédiate, pour retrouver derrière les artifices que crée l’entendement et que consacre le langage ce qui est réel indépendamment de toute forme logique, pour substituer à l’usage des idées générales abstraites la clarté naturelle de l’intuition libérée des conventions philosophiques, la pensée humaine reviendrait d’elle-même au sens commun. C’était de là que partait Berkeley pour montrer que la matière n’est ni une substance inaccessible, ni une quantité pure ; car d’une part il n’y a rien à chercher derrière le donné, et d’autre part ce qui est donné se présente toujours avec quelque qualité. A-t-il trouvé de sa doctrine une formule plus exacte que celle-ci, qui appartient à M. Bergson « La vérité est qu’il y aurait un moyen, et un seul, de réfuter le matérialisme ce serait d’établir que la matière est absolument comme elle parait être (p. 67) » ? ? Les choses se définissent en leur entier parleur présence, réelle ou possible, et comme cette présence ne peut être que psychologiquement constatée ou psychologiquement induite, la psychologie est en mesure de nous fournir la connaissance vraie de ce que sont les choses. Mais ce qui fait l’intérêt très actuel du travail de M. Bergson, c’est qu’il a essayé d’échapper aux objections que peut soulever une telle méthode et qu’elle a’ en effet historiquement soulevées. Il semble que dans une doctrine comme celle de Berkeley l’objectivité soit compromise de deux façons ; en premier lieu parce que le fait que certains états nous apparaissent indépendamment de notre vouloir, n’équivaut pas au sentiment de leur extériorité ; en second lieu parce que la discontinuité apparente de nos idées nous met en présence d’un monde discontinu, dont on ne peut pas dire, à. cause de la contingence de ses lois, qu’il soit vraiment un monde, Mais la connaissance du rôle exactement joué par le système nerveux nous permet, d’après M. Bergson, de rejeter les images en dehors de notre conscience et de reconnaître leur extériorité comme une donnée naturelle. En outre, une vue plus pénétrante de la vie men-