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v. DELBOS. – Matière et mémoire. 3T9

vibrant à l’intérieur de sa chrysalide. Dès lors entre les qualités sensibles considérées dans notre représentation et ces mêmes qualités traitées comme des changements calculables, il n’y a qu’une différence de tension notre perception concrète, synthèse de la perception pure et de la mémoire pure, résume dans son apparente simplicité une multiplicité considérable de moments. Ainsi par l’idée de tension se lève l’opposition de la qualité et de la quantité. Les mêmes vues développées doivent enfin résoudre l’opposition de la liberté et de la nécessité. Si, en effet, la faculté qu’a l’esprit de se dégager du rythme d’écoulement des choses, de se souvenir du passé pour déterminer l’avenir, mesure le degré de son indépendance, d’un autre côté la mémoire n’intervient pas comme une fonction dont la matière n’aurait aucun pressentiment ; capable, elle aussi, de conserver le passé’ dans le présent, la matière imite l’esprit, sans atteindre seulement à ce pouvoir de sélection et de concentration par lequel l’esprit dégage des choses ce qui l’intéresse et contracte en un moment de sa vie une énergie dont les effets se propagent sur des moments infiniment plus nombreux de l’existence matérielle. Ce sont là les conclusions extrêmes de Matière et Mémoire par leur hardiesse et leur ampleur, elles semblent dépasser singulièrement les prémisses du livre, si simples et si positives. Cependant la marche qui y aboutit paraît régulière et continue. C’est peut-être en cela que se révèle avec le plus d’éclat la force de pensée de l’auteur. Il lui a fallu pour constituer sa doctrine différents genres d’esprit dont chacun fût cultivé pour lui-même presque avec raffinement et qui vinssent cependant soutenir de leur accord une conception très spontanée et très vivante. Il lui a fallu aussi une remarquable puissance d’abstraction pour lier des problèmes qui étaient sans connexion apparente et dont la solidarité, une fois établie, se manifeste de plus en plus à mesure que l’ouvrage se déroule. L’impression de nouveauté qu’on reçoit de toute part n’est pas affaiblie, tant s’en faut, par le sentiment qu’on pourrait avoir d’être ramené, suivant les intentions de l’auteur, « aux conclusions du sens commun ». (Avant-propos.) S’il fallait trouver à tout prix une doctrine qui fût par sa méthode l’analogue de la doctrine de M. Bergson, c’est à la philosophie de Berkeley qu’il y aurait peut-être lieu de songer. On n’oublie pas, en disant cela, que Berkeley a été l’un des fondateurs de cette psychologie associationniste, si vivement combattue par M. Bergson, et que