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v. delbos.-– Matière et mémoire. 365

prochaines les idées les plus lointaines. L’esprit ne procède pas ainsi par des additions mécaniques successives ; il est si étroitement solidaire de l’objet perçu qu’au lieu d’en faire exclusivement le terme initial de son activité, il y retourne nécessairement à mesure qu’il évoque les images capables de s’y appliquer, et qu’il y pénètre d’autant, plus profondément qu’il entre plus avant en lui-même. Toute expansion de la mémoire a pour résultat de nous faire découvrir des virtualités de l’objet. Assurément c’est bien la perception actuelle qui déterminé d’ordinaire l’orientation de notre esprit ; mais l’esprit peut adopter vis-à-vis d’elle une position plus ou moins élevée, et selon la hauteur â laquelle il se place, il tend vers elle un nombre plus ou moins grand de souvenirs. Si donc notre mémoire nous est tout entière présente à chacun des événements de notre vie, elle se complique ou se simplifie en sa forme apparente selon le niveaii auquel elle se met pour accomplir ses évolutions elle ’peut passer par degrés d’un état de libre déploiement, où ses souvenirs sont comme des rêves, à un état de contraction, où ses souvenirs s’insèrent dans la perception présente et en partagent la fortune. Et c’est faute d’avoir défini à quel moment le mécanisme du corps intervient, que les écoles opposées ont soutenu, soit que la mémoire pouvait se dispenser de lui, soit qu’elle était toute en lui. S’il en est ainsi, les lésions de la reconnaissance devront tenir à deux causes soit à ce que notre corps ne peut plus prendre automatiquement, en présence de l’excitation extérieure, l’attitude précisé qui opérerait entre les souvenirs la sélection nécessaire, soit à ce que les souvenirs ne trouvent plus dans le corps un point d’application et les moyens de se réaliser. La pathologie confirme cette doublé conséquence, et les exemples les plus commodes en même temps que les plus complets qui permettent de la vérifier sont ceux qui sont tirés des cas de surdité verbale.

Voici un malade qui a conservé intact le sens de l’ouïe, mais qui ne comprend pas et même ne peut pas distinguer les paroles qu’il entend. Aura-t-on expliqué son cas en disant que les souvenirs auditifs des mots sont détruits dans l’écorce, ou qu’une lésion, tantôt tràriscorticale, tantôt sous-corticale empêche le souvenir auditif d’évoquer l’idée, ou la perception de retrouver le souvenir ? Mais^ pour nous en tenir à ce dernier rapport, comment déjà, à l’état nor^ mal, une continuité sonore qui est d’abord perçue par l’oreille en bloc, ;sans :discërùenièht’Lpeut-elle devenir- la distinction des mots et