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288 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

faveur des faits incontestables. Que de fois n’a-t-on pas trop tôt conclu au surnaturel, à Fincoordonné, à l’absolu ! Que de fois n’a-t-on pas érigé en inexplicable ce qui est seulement complexe et provisoirement difficile à expliquer ! La science en fait tomber tous les jours, et en fera tomber longtemps encore, de ces pseudo-absoltis. Mais s’ensuit-il qu’il n’en existe point d’authentiques ? De ce qu’une idée a reçu de fausses applications, il ne faut pas conclure à la fausseté de l’idée elle-même. Or, il nous serait difficile maintenant de tenir tous les incoordonnés pour de pures apparences, puisque nous avons compté parmi eux les éléments les plus caractéristiques du plaisir. A la rigueur, vous pouvez supposer, au sens du réalisme rationaliste, que la réalité concrète n’est en somme qu’un composé d’unités abstraites, mais aurez-vous le courage d’affirmer que l’action pratique est plus intimement liée au bien intelligible qu’au plaisir proprement dit ? Nous ne pouvons davantage oublier l’importance des incoordonnés théoriques au point de vue moral. En reprenant ce que la science a écarté, la dialectique pratique opérerait-elle donc un mouvement de retour vers l’illusion primitive ? Et la morale et la’ science, qui procèdent de coordinations analogues, seraient*-elles destinées à marcher en sens inverse l’une de l’autte, et même à finir dans une contradiction réciproque ? Ajoutons qu’il .suffit d’affirmer les ineoordonnés pratiques pour être fortement sollicité à affirmer aussi l’incoordination qui subsiste du côté théorique. C’est un postulat qui fait suite à ceux de la coordination morale et que l’on pourrait formuler ainsi il est de l’intérêt des ineoordonnés pratiques de s’appuyer sur des incoordonnés théoriques correspondants or les affirmations pratiques qui s’inspirent d’un intérêt profond sont légitimes ; donc l’affirmation pratique de ces incoordonnés théoriques est légitime. Mais serrons la question de plus près. Si nos incoordonnés ne sont pas inhérents à la réalité, d’où peuvent-ils bien venir ? Seraient-ils des produits de la dialectique elle-même ? Celle-ci commencerait-elle par créer certaines distinctions, qui, à la longue, prendraient, une apparence d’irréductibilité, et qu’elle devrait dissoudre ensuite ? L’explication est juste pour plusieurs cas. L’objet ultra-phénoménal, par exemple, qui finit par gêner si fortement la dialectique, est un produit de la dialectique. Mais celle-ci aurait-elle créé de rien les distinctions d’où résultent de tels incoordonnés ? N’est-il pas vraisemblable que la réalité lui en a fourni l’occasion et la" matière ? Ainsi seulement