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baïonnette. C’était une difficulté analogue à celle qui me préoccupait lorsqueje composais ma Logique scientifique et que je ne pouvais m’empêcher de voir deux sacs sur une enseigne, intitulée A la folie, et représentant un meunier à cheval avec un sac de farine sur le dos. Je ne comprenais pas davantage dans le parallélogramme des forces de quel droit on affirmait qu’une force agissant sur un corps en mouvement produit le même effet que sur le corps au repos. Mais ma plus grande pierre d’achoppement, c’était la pesanteur, cette force indestructible, contre laquelle les plus grands efforts sont stériles, car un bloc de pierre enlevé par une grue du sol sur lequel il repose n’en pèse pas moins quand il se balance dans les airs.

Oh je sens bien que mes lecteurs ne comprennent rien a mes embarras. Combien de savants en X que j’interrogeais me donnaient pour réponses "quelques phrases légèrement dédaigneuses. «L’inertie vous embarrasse, moi pas. Je ne cherche pas à pénétrer le fond des choses, c’est du temps perdu. L’inertie est une hypothèse commode qui vient figurer à propos dans mes calculs et les simplifie. Pourquoi exiger davantage ? Votre fusil ? mais on sait bien, c’est démontré, que la puissance et la résistance sont réciproques aux longueurs des bras de levier au bout desquels elles agissent. Lorsque le soldat essaye de le maintenir sur son épaule en appuyant sur l’extrémité de la baïonnette, vous voyez une demi-douzaine de fusils, moi je persiste à n’en voir qu’un, et je n’ai garde de me casser la tête pour me démontrer à moi-même qu’il n’y en a qu’un. C’est de la folie. »

Certes, mes interlocuteurs n’étaient pas tous comme cela. Ils partageaient mes scrupules, avaient été autrefois frappés des mêmes doutes, mais avaient fini par en prendre leur parti. Moi j’avais aussi fini par là, mais j’avais des retours.

Ce fut un article paru dans la Revue philosophique, en mai 1895 qui’vint me tiror de ma quiétude apparente, L’auteur, professeur de mécanique en Russie, y confessait ingénument qu’il avait beaucoup de peine à inculquer à ses élèves les premiers principes. D’où cela provenait-il ? Après bien des réflexions, il s’était dit que cela tenait sans doute à une mauvaise déduction des catégories fondamentales. Il se déclarait d’ailleurs incapable de les ranger dans un ordre satis- . Clementitch de Engelmeyer, Sur l’origine sensorielle des notions mécaniques, lieu, philos., t. XXXIX, p. 511.