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288 TREVTJE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE "MORALE.

péremptoire un argument dont in petto je sentirais la faiblesse. Voilà pourquoi j’aurais voulu prévenir tout d’abord le public qui me fait l’honneur de me lire que, en la matière sur laquelle j’écris aujourd’hui, j’étais bien loin, bien loin d’être un savant. Mon écrit s’adresse donc à ceux qui n’en savent guère plus que moi. Depuis mon initiation aux études philosophiques, il y a de cela plus de neuf lustres, dirait Boileau, je me suis persuadé de jour en jour davantage de l’absolue nécessité, pour le philosophe de ne pas rester étranger aux sciences, et de ne pas se contenter d’avoir des s notions superficielles sur toutes, mais d’en étudier à fond une ou deux, si possible. `

Les nécessités de la vie me dirigèrent vers les lettres, mais mon goût me portait vers la philosophie et la physique. Aussi, à peine avais-je obtenu le double diplôme de docteur en philosophie et lettres que je me faisais inscrire à la faculté des sciences physiques et mathématiques. Je m’y appliquai avec une ardeur peu commune ; elles fécondaient vraiment ma pensée philosophique, et surtout elles me permettaient de ne pas me, laisser prendre à la glu des formules mathématiques du Père Gratry, alors à la mode. Mais de toutes ces sciences, l’une resta obstinément fermée pour moi ce fut la mécanique. Je n’exagère pas en disant que je n’y comprenais absolument rien, sauf la théorie des couples. Il y avait à cela une certaine excuse le professeur passait pour ne pas y voir plus clair que ses élèves, et l’un de mes condisciples avait fait sur lui un poème qui se terminait par ce vers

Et d’erreur en erreur atteint la vérité.

Le fait est qu’il couvrait le tableau de formules qu’il effaçait pour pouvoir en écrire d’autres ; de formules en formules il atteignait l’heure de la fin de la leçon, il effaçait une dernière fois pour inscrire le résultat au tableau, nous affirmant que c’est ce que nous ne manquerions pas de trouver en opérant des réductions qui se présentaient d’elles-mêmes. Homme intelligent d’ailleurs, doué d’un grand esprit d’organisation, et capable d’exposer clairement ce qu’il savait. Seulement ce qu’il savait, il n’était pas chargé de l’enseigner. Il est 1. A cette époque, en Belgique, la loi défendait le cumul. Le récipiendaire, comme on dit chez nous, c’est-à-dire l’aspirant au titre de docteur, devait opter entre la philosophie et les lettres. Je refusai d’opter. Le jury ne s’obstina pas. Depuis j’ai eu des imitateurs,