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208 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

affirmer une proportionnalité là où on ne possède pas tous les éléments à mesurer ? Nous demandons sans doute des preuves expérimentales impossibles en l’espèce, mais précisément il suit de l’impossibilité de la preuve en ces matières qu’il n’y a pas place en psychologie pour des propositions aussi absolues ; la rigueur des affirmations ne change rien à l’incertitude des choses. Quand on songe à la lenteur méthodique avec laquelle a été établie la démonstration de la théorie de l’équivalent mécanique de la chaleur, et que l’on y compare cette prétention hâtive d’étendre infiniment, sur la foi de quelques expérimentations douteuses, jointes à Cexperientia vaga, la portée de généralisations approximatives, on demeure confondu. En fait, des théories semblables ne peuvent être données tout au plus qu’à titre de suggestions discrètes.

Pour la seconde proposition, la réduction des émotions secondaires aux émotions primitives, et l’assimilation des conditions de celles-ci aux conditions de celles-là, on peut douter si M. Ribot l’accepte pleinement. M. Ribot nous dit en effet que l’ordre du développement des émotions supérieures est rigoureusement dépendant de l’ordre du développement des idées générales. C’est l’évolution des idées qui rz_Gle ici c_elle_cles sentiments. Nous nous trouvons ici, dit-il, en parfait accord avec la théorie intellectualiste1. La proposition fondamentale de M. Ribot que les instincts sont d’autant plus importants qu’il apparaissent plus tôt aboutirait même à cette conséquence logique et inattendue que la curiosité intellectuelle est plus essentielle que l’amour dans la vie humaine. Car la curiosité, d’après M. Ribot, apparaît dans l’évolution psychologique, avant l’instinct sexuel, qui est le dernier de la série. Disons en passant qu’il s’ensuivrait aussi que l’individu a plus d’importance que l’espèce dans la vie animale, l’instinct de nutrition apparaissant avant celui de reproduction. Mais, de quelque façon que M. Ribot se tire de cette difficulté, sa pensée ne semble d’autre part pas douteuse. M. Ribot rattache en effet tous les étals affectifs à des condi- .tions biologiques et les considère comme l’expression directe et immédiate de la vie végétative. il adopte sans restriction aucune la thèse physiologique d’après laquelle les sentiments ont leurs racines dans les besoins et les instincts, c’est-à-dire dans les mouvements 2. . V. p. 18.

. Préfacé, p. ix.