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J2 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

taines sensations particulièrement en relief. C’est alors un essai 3e conscience immédiatement forte, et où la coordination préalable ne sert qu’à provoquer une plus brusque surprise de l’esprit. Mais ce cas est exceptionnel, et les anciens l’avaient dit avec raison dans leur formule à d’autres égards insuffisante le beau, c’est l’unité dans la variété. En d’autres termes, le beau est inhérent à une coordination capable d’agrandir le champ de la conscience. Oui, qu’il s’agisse de formes ou de lignes, de sons simultanés ou de sons successifs, nous n’obtenons un plaisir spécifiquement esthétique que lorsque nous réunissons nos sensations en un acte intellectuel qui nous permet de passer rapidement de l’une à l’autre et d’en éprouver le plus grand nombre possible à un moment donné. C’est pour cela que les sens dont la portée est moins étendue, le toucher, le goût, l’odorat, donnent lieu aussi à moins d’effets esthétiques que la vue et l’ouïe, dont la portée est plus étendue. 11 n’y a rien dans leur fonction qui soit en contradiction avec le beau ; mais, comme ils n’offrent qu’un petit nombre de sensations, ils ne peuvent provoquer que des coordinations sans ampleur, et souvent même ils n’en provoquent d’aucune espèce. D’autre part, cette coordination esthétique se fait en quelque sorte par addition ; elle groupe les sensations présentes sans leur enlever aucun de leurs caractères distinctifs elle les utilise telles qu’elles sont données, notamment avec leur double élément de différence et de ressemblance ; en un mot, elle les conserve concrètes. C’est ce qui la distinguera plus tard de la coordination scientifique ; c’est ce qui l’en rapproche maintenant. Ainsi se forme la représentation ordinaire du monde, de l’univers. Cette représentation s’est incorporée à un tel point à notre vie intellectuelle qu’elle semble en ses traits essentiels c’est déjà du réalisme directement donnée dans la conscience primitive. Et il est bien vrai qu’elle ne se produit pas arbitrairement ; qu’elle correspond à des observations longtemps répétées ; qu’elle a son fondement dans l’expérience. Mais, en elle-même, cette représentation n’est qu’une coordination née du besoin d’enrichir notre connaissance, soit par un plus grand nombre d’objets d’une même série, soit par un plus grand nombre de séries d’objets. Et, si les catégories qui servent à la constituer peuvent, à un stade plus avancé de la dialectique, se- justifier en ce qu’elles ont de plus important par une étude analytique des conditions de la pensée, cependant ce n’est pas cette justification qui explique leur inter-