152 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
sinon lier l’avenir au présent. sinon déterminer des volitions semblables à la volition initiale, sinon peser sur les volitions futures comme une cause pèse sur son effet ? Ajoutons que le point de départ de cette détermination causale doit se renouveler sans cesse. La volition obligée accepte ce qui lui est imposé, et, en même temps, songe | à l’imposer aux volitions suivantes. Et, comme il y a dans chaque fait de conscience, sinon une volition proprement dite, du moins I l’ébauche d’une réaction volontaire, la puissance de l’obligation va ̃se renforçant avec la vie. C’est donc au détriment de la liberté que se réalise l’obligation morale ? Sans doute. L’obligation est une contrainte ; comme la détermination causale, elle s’oppose directement à l’ineonditionnement de la liberté. On ne peut être à la fois, et au même point de vue, libre et déterminé, libre et obligé ; et le triomphe de l’obligation serait l’exclusion radicale de la liberté. On protestera sans doute contre cette conséquence ; mais comment l’éviter ? Elle s’impose à toutes les doctrines de l’obligation, même à celles qui distinguent plusieurs contraintes intérieures. Par exemple, que nous soyons « forcés », ou simplement « tenus d’accomplir le bien », dans les deux cas, notre liberté est appelée à disparaître. Et la dialectique ne s’en inquiète pas ; elle s’en félicite, au contraire. Encore une fois, quelle est la raison d’être de l’obligation ? Assurer l’avenir de la loi, prévenir les variations que pourraient y apporter sans motif rationnel les volitions futures, nous mettre en garde contre l’inconstance du sujet. Et qu’est-ce que cela, sinon restreindre, mettre en échec, la liberté ? De cette dernière exigence de la coordination pratique, il ne résulte aucune prescription nouvelle. On le remarquera avec soin, puisque le kantisme l’a méconnu. N’a-t-il pas essayé de déduire de l’obligation l’ensemble de nos devoirs ? C’est comme si la dialectique théorique avait prétendu déduire toutes les sciences particulières de la conversion de l’objet en sujet. Qu’on ne l’oublie pas. les degrés supérieurs de la dialectique seraient vides si les degrés infé- | rieurs ne leur fournissaient un contenu. Tout ce que la morale de l’obligation peut faire, c’est d’accentuer à sa manière les prescriptions qu’elle a reçues de la morale du bien, comme celle-ci a accentué à sa manière les prescriptions qu’elle a reçues de la morale du bonheur. Quelques-unes perdront de l’importance. Ce sont celles qui s’accomplissent aisément, sans longues préparations, sans initiations douloureuses. Par exemple., celles qui se rapportent aux
