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144 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Cette différence suffit â prévenir en une plus large mesure les inconvénients attachés à la coordination des plaisirs. Un nouveau degré d’indépendance à l’égard des termes coordonnés, c’est aussi un nouveau degré de fixité, de rapidité et d’étendue dans nos séries. Nous pourrions remarquer encore que les séries intelligibles ne produisent leur effet que par la pensée qui les forme, qu’elles sont d’origine intérieure, et par conséquent beaucoup plus à notre disposition. Mais voici l’avantage le plus frappant. Cette morale n’est pas seulement plus riche, plus élevée, elle est aussi plus précise enj ses déterminations. D’abord, il ne saurait y avoir d’hésitation sur1 son domaine. A part quelques cas douteux, comme il s’en trouve toujours aux frontières, la distinction entre les actions qui apportent l’intelligibilité et celles qui y restent étrangères, entre le fonctionnement du corps, d’une part, et l’art ou la science, d’autre part, se présente avec clarté. Ensuite, pour fixer les degrés d’intelligibilité, n’avons-nous pas’à notre disposition les résultats de la dialectique théorique ? Les divers moments de cette dialectique, combinés avec les divers degrés dans l’étendue de ses coordinations particulières,, ne deviennent-ils pas tout naturellement les divers degrés du bien ?} La morale du bien met ainsi en un singulier relief la solidarité du monde théorique et du monde pratique. Le dernier est le stimulant ! du premier, mais le premier est le soutien du dernier. Si nous entre- 1 prenons Pœuvre de la science, c’est que notre volonté y est intéressée, ’>̃ c’est que penser largement est une joie ; mais si nous menons à bonne fin la morale, c’est que la science nous en fournit les ̃̃̃" moyens.

La morale du bien n’est pourtant pas achevée. On a renoncé à faire du bonheur le but avoué de l’action morale, et cependant on pense encore au bonheur. On en garde au moins l’arrière-préoccupation. De fait, on compte sur lui comme sur une conséquence qui nous est due. Sans doute, il est entendu qu’on ne regardera pas au détail, mais comment oublier tout a fait la correspondance ? Non, cela ne se peut. Le bien ne saurait être agréé, si, à un degré quel- f conque, et d’une manière quelconque, il n’apporte pas le plaisir avec f lui. Ainsi l’exige notre thèse initiale sur la réaction volontaire. Mais cela même constitue une dualité dont l’action pratique doit souffrir. Le bien et le bonheur, distincts et inséparables l’esprit se partage entre ces deux termes. Or l’élan volontaire s’arrête quand l’esprit est partagé. Dans l’ordre pratique, plus encore peut-être que dans

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