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de toute série ; d’autres, qui sont seulement stériles, doivent être au moins négligés. De plus, la coordination émousse tous ceux qu’elle 6 rapproche. Il faut l’avouer aux partisans d’Aristippe, on ne régularise pas impunément le plaisir. Pour l’obtenir avec plus de certitude ,et de constance, on doit s.e montrer moins exigeant sur sa nature. /Sa valeur morale ne correspond pas touLà fait à sa valeur de fait. t Cependant la perte est moins grande qu’elle ne le paraît au premier abord. Les plaisirs pernicieux sont-ils tous aussi intenses qu’on le dit ? Sont-ils même tous de vrais plaisirs ? On pourrait le contester, en rappelant, à défaut d’autre critère, l’union du plaisir et de la volition. Que de fois, par exemple dans ce qu’on appelle les passions, l’homme agit sans vouloir, ou plutôt se laisse aller sans agir ! En réalité, recherche-t-il, désire-t-il, aime-t-il l’objet vers lequel il tend ? Ne se le laisse-t-îl pas imposer par des puissances qu’il agrée à peine Il ne résiste pas voilà ce qu’on peut. dire ; peut-être aussi éprouve-t-il quelque satisfaction trouble due à quelque singulière Complication psychologique ; mais il y loin de lit à vouloir fortement, donc à sentir vivement. Faites ainsi la critique de tous les plaisirs pernicieux, et vous verrez diminuer sensiblement leur importance. D’autre part, les efforts de résistance ou d’initiative que commande la morale portent souvent en eux-mêmes, et directement, leur récompense. Admettons qu’ils soient douloureux cette douleur peut se neutraliser par la pensée du bienfait qui s’y attache. Et enfin, quelle que soit en ces différents cas la perte éprouvée, elle reste bien faible en comparaison des avantages dont elle est le prix.

Pourquoi donc la dialectique ne peut-elle s’en tenir à la., morale du bonheur ? Parce que la nature même du plaisir lui fait obstacle. jL_ En pratique aussi bien qu’en théorie, il importe d’arriver à une ^coordination fixe et précise. Les prescriptions morales doivent avoir une portée universelle comme les lois scientifiques. Comme elles aussi, elles ne peuvent s’offrir à bien plaire. Ne faut-il pas éviter l’hésitation des volontés ? Ne faut-il pas prendre des précautions contre les irrésolutions, les sophismes, les contestations qui arrêteraient la continuité de l’action et restreindraient les séries ? Or, toute i coordination de plaisirs ne saurait être que vague,, approximative i ;et variable. Nous sommes dispensés sans doute d’évaluer l’intensité de chaque plaisir et de chaque peine, et c’est un grand embarras de moins. L’insuccès de Bentham nous rappelle avec force