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i3-5r REYUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

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of cnroî flnuisnCil1 ? Olli ï^O 1*1111 fi Al 7 R H ATI t. croyez-vous que la réponse serait douteuse ? Oui, ce qui nous tient tout d’abord et le plus profondément à cœur, c’est d’avoir le moins de douleur possible et le plus de plaisir possible ; oui, l’humanité tout entière tend instinctivement, naturellement, au bonheur. Et il faut bien que la dialectique commence par répondre à cet universel besoin.

Dira-t-on qu’une pareille tentative est illusoire ? – On aurait raison s’il s’agissait d’atteindre un bonheur fixe, entier, absolu.’ Mais le bonheur vise reste quelque chose de progressif, une simple’ direction, la prédominance croissante du plaisir sur la douleur. Et certes, ainsi limité, il n’est pas à dédaigner, même dans l’hypothèse pessimiste qui réduit le plaisir à un adoucissement de la souffrance, seule fondamentale et primitive. A plus forte raison, dans l’hypothèse plus compréhensive et plus juste, qui considère le plaisir et la douleur comme également primitifs. – Mais peut-être craint-on que le ,̃ bonheur n’échappe à celui qui le cherche, précisément parce qu’il le cherche’ ?. Peut-être redoute-t-on’ la réflexion et la méthode en un domaine aussi délicat, aussi fuyant ? Cependant prendre conscience de ses événements et de ses actes n’est pas en général une mauvaise chose, et si la réflexion augmente les douleurs, pourquoi n’augmenterait-elle pas également les joies ?’ Accorderait-on à la douleur une possibilité de réviviscence qu’on refuserait au plaisir ? Non, ce qui fait fuir le bonheur, ce n’est pas de le chercher, mais de le mal chercher. Il est certain que, si l’on vise exclusivement un plaisir égoïste, ou d’ordre physique, ou de vanité inférieure, on se prive des plus importants éléments de vie heureuse ; il est également certain que si l’on se refuse à affronter toute douleur, si l’on se cramponne dans une réserve paresseuse et lâche, on reste, dans la même mesure, impropre aux joies supérieures qui supposent des préparations parfois longues et pénibles ; il est certain encore que, si l’on pousse trop loin la critique de son plaisir, à l’exemple de Marc-Aurèle, oubliant qu’il y a un temps pour critiquer et un autre pour vivre ; si l’on revient sans cesse sur ses calculs, si l’on s’attache il une considération trop minutieuse des gains et des pertes, on paralyse son activité, on rétrécit sa vie, on se met dans la position du négociant timoré qui, par une crainte excessive de mal faire, se condamne aux affaires médiocres, ou subit des catastrophes" qu’avec plus de confiance il aurait pu éviter. Mais la dialectique serait-elle complice de ces erreurs ?