[L ̃H2 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
tions*. En somme, l’hypothèse. atomique est simplement, selon le mot d’un savant contemporain, « un roman de l’invisible ». Elle ne sert qu’à fournir un support intuitif et des symboles imaginaires aux lois mathématiques qui seules ont une valeur scientifique L’analogie même, bien qu’un peu forcée, que M. Hannequin découvre entre les différentielles et les atomes, peut nous éclairer sur le rôle de ceux-ci. Nous avons dit que c’est l’imagination qui dote les infiniment petits d’une existence provisoire, en les retenant à un stade fini de leur décroissance indéfinie pour pouvoir appréhender leurs relations. C’est elle aussi qui, pour la même raison, requiert des molécules et des atomes pour figurer d’une manière sensible des relations essentiellement imperceptibles 3, en quoi elle ne fait que reculer la difficulté et transporter le problème tel quel dans l’infiniment petit ; r,’est pourquoi toute hypothèse atomique est une explication illusoire, qui répond à la question par la question. Mais il ne faut pas prendre les procédés de l’imagination pour des méthodes proprement scientifiques, ni confondre les figures concrètes, par lesquelles on représente les phénomènes, avec leurs lois abstraites et rigoureuses, que seule la raison peut découvrir. Au fond, toute cette figuration empruntée à l’expérience sensible n’est qu’un échafaudage qui sert à édifier ces lois, et qui disparait une fois la construction achevée ; il faut être imbu de l’esprit empiriste et pratique des Anglais pour croire, comme lord Kelvin, qu’on n’a expliqué un phénomène qu’en le figurant par un système mécanique grossier de cordes, de treuils et de poulies. Ainsi la prétendue nécessité de l’atomisme n’est qu’un besoin de l’imagination, qui essaie de figurer aux yeux des relations idéales entre des termes imperceptibles ; c’est pour cela, par exemple, qu’on se croit obligé de concevoir l’élasticité des atomes sur le modèle de l’élasticité des corps composés. Kant a déjà montré que l’apparente nécessité d’imaginer la transmission du mouvement sous la forme du choc provient uniquement de la nature de notre sensibilité, qui ne nous fait percevoir que les ̃i. Voir p. 237 sqq. ce qui est dit de la cristallographie. . Cf. Bouasse, De la nature des explications des phénomènes naturels dam les Sciences expérimentales, g ’III, ap. Revue de Métaphysique et de Morale, t. II, p. 311. Nous mettrons seulement le lecteur en garde contre l’expression d’ « explication métaphysique », qui, dans le langage de l’auteur, désigne l’interprétation figurative des phénomènes s’adressant à l’imagination (v. p. 315). . Leibniz disait du vide et des atomes C’est ce qui remplit le mieux l’imagination. » (Système nouveau de ta nature et de la communication des substances, S" 3.)