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’18 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MOJULE.

même devant la conscience en un mot lui-même est la réalité absolue ou la chose en soi. Est forcément en soi ce qui n’est pas en autre chose ; si donc on détache le phénomène de son support nouménaï pour le faire reposer sur lui-même, on l’érigé véritablement en noumène. Le phénoménisme est un mot vide de sens ; l’idée de phénomène ne s’entend que par l’idée corrélative de noumène. Ces critiques ont été souvent adressées au phénoménisme, et elles nous semblent concluantes en tant que celui-ci prétend se distinguer de l’idéalisme. Un phénoménisme réaliste est en effet un non-sens. Mais il n’en est pas de même d’un phénoménisme idéaliste. La relativité du phénomène dans l’agnosticisme kantien est en quelque sorte triple sa réalité est constituée par sa triple relation au sujet qui le pereoit, à la totalité des autres phénomènes perceptibles, enfin au noumène qu’il est censé manifester. Nier cette dernière relation, ce n’est pas, même implicitement, supprimer les deux autres. Parce qu’il est détaché de la chose en soi, le phénomène ne devient pas lui-même une chose en soi, si sa réalité continue à demeurer attachée à celle du sujet pensant. Voilà du moins ce qu’on peut dire à l’égard des phénomènes du sens externe. Quant à l’objet du sens interne, au moi, il est vrai qu’il est impossible, si l’on nie les choses en soi, de continuer à le considérer comme un pur phénomène. La réalité des autres phénomènes consiste à être pour le moi, sa réalité à lui sera d’exister pour lui-même et n’étant relative qu’à soi-même, elle pourra être dite absolue. Mais cette conclusion n’est pas pour nous déplaire, et s’il y a dans le kantisme une théorie qui nous semble inacceptable, c’est cette étrange doctrine qui refusant au moi la connaissance immédiate de lui-même, supprime en fait toute connaissance immédiate. Comme si la connaissance médiate ne supposait pas une connaissance immédiate aussi nécessairement que la lumière réfléchie suppose une lumière directe.

D’ailleurs Hegel ne professe pas précisément le phénoménisme tel qu’il est généralement compris aujourd’hui. Ce n’est pas un précurseur de M. Renouvier et des néo-criticistes. Sans doute, en rejetant les noumènes il place par le fait même la réalité dans le phénomène, mais cette réalité, dans le phénomène en tant que tel, n’est qu’une réalité immédiate, par suite relative et intrinsèquement incomplète. Elle n’est la réalité véritable qu’implicitement et sous réserve de son développement ultérieur. La réalité définitive n’est pas celle