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L. WEBER. – IDÉES CONCRÈTES ET IMAGES SENSIBLES. 61 la pensée-soit un facteur essentiel de l’action, cela est certain ; mais qu’elle soit toute l’action, nous le nions.

L’activité vivante se déroule ainsi à côté de la pensée qui lui donne l’être, et sa réalité connaissable n’est qu’un reflet de sa réalité inconnaissable. Sentir n’équivaut pas à juger,.comparer et nommer les sensations, ni agir à réfléchir sur les actes, à peser les motifs et à prévoir les résultats ; autrement dit, le réel n’est pas adéquat à l’être. Et dans le domaine de la conscience objectivée par la perception, les êtres et les choses posés par la pensée n’étant que des symboles de relation, règlent et préparent notre activité extérieure, -• mais ne la déterminent pas tout entière. Ce n’est pas seulement par la science que nous nous étendons hors de nous, et il nous est permis de croire que la partie des énergies ambiantes qui demeure à jamais soustraite à la connaissance et au discours n’est pas un pur néant. C’est pourquoi il est parfois possible de communiquer avec le réel et de s’harmoniser avec lui sans chercher à le connaître, à le comprendre et à l’expliquer. Les passions, les sentiments moraux et les émotions esthétiques’ nous fournissent des moyens d’action d’une efficacité évidente et unanimement accordée, mais que leur nature même interdit d’exprimer et d’enseigner à autrui. De là leur apparente inutilité. Mais s’ils ne nous servent pas à nous rendre maîtres par le savoir de ce qui ne peut qu’être objet de science, ces moyens nous permettent peut-être de nous approcher davantage de la réalité irréductible à l’idée et à l’être, dont la connaissance, à mesure qu’elle se perfectionne et progresse dans la voie qu’elle’ s’est tracée, nous éloigne de plus en plus.

Louis WEBER ;