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G. LANSON.PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE ET LITTÉRATURE.

tous les problèmes qui supposent l’étendue, dépendront de la considération du climat esclavage, nature du sol, esprit et mœurs des nations, commerce (où se rattache la question des monnaies), population, enfin religion. Toutes ces matières seront donc traitées, en allant du plus général au plus particulier et du plus simple au plus complexe, dans cette seconde partie, le facteur dominant du climat intervenant sans cesse à côté des données universelles que la première partie a posées.

De nouveau, nous sommes au terme de notre analyse, et toutes les parties de la société politique, toutes les pièces et relations, ont été parcourues. Que reste-t-il ? à poser les problèmes dans le temps, comme dans l’espace. Ainsi, partis de l’abstrait, nous touchons maintenant au réel : trois pas nous ont portés, le premier aux choses en soi, le second aux choses dans l’espace, le dernier aux choses dans le temps. Mais ces problèmes du temps sont les plus particuliers et les plus complexes ; et à vrai dire, l’étude des changements dans la durée, c’est l’histoire. En un sens, l’Esprit des lois est une introduction à l’étude philosophique de l’histoire : la troisième partie du livre, si elle était complète, serait l’histoire universelle. Montesquieu ne pouvait avoir la prétention de mener à bien cette entreprise infinie ; il a circonscrit son effort : il a choisi trois questions, l’une de droit romain, les deux autres de droit barbare et féodal ; et là, appliquant tous les principes, toutes les vérités antérieurement démontrées, il a résolu le problème de l’évolution des lois qu’il examinait ; il a montré comment leur succession, leur transformation s’étaient opérées nécessairement, selon les règles qu’il avait posées.

À cette troisième partie devraient se rattacher les Considérations sur la grandeur et sur let décadence des Romains. On nous dit communément que c’est un fragment que Montesquieu a détaché du grand ouvrage qu’il préparait. Voici (logiquement) la place et l’attache du fragment. Montesquieu a considéré le problème des lois de Rome dans toute sa complexité : il a suivi sur un peuple particulier, en une région déterminée de l’étendue, dans une longue période de temps, les conséquences du principe d’une forme de gouvernement, le développement et l’altération de ce principe. C’est un admirable échantillon qu’il a donné de la manière dont sa méthode résout l’explication des faits historiques.

Dans toutes ces recherches, quels sont la part ou l’apport de l’expérience ? C’est par là Surtout qu’on peut juger si Montesquieu