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G. LANSON.PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE ET LITTÉRATURE.

Bossuet part des notions les plus générales et les plus simples : des principes de la société parmi les hommes. Ce sera son premier livre. Ces principes dépendent d’une vérité première : l’homme est fait pour vivre en société. Ce sera l’article premier du premier livre. De cette vérité sortiront la société civile, le gouvernement, les lois, le sentiment de l’humanité (le sentiment cosmopolite du siècle suivant), l’amour de la patrie. Ce principe que l’homme est fait pour vivre en société se rattache à son tour à une notion antérieure : Les hommes n’ont qu’une même fin et un même objet, qu’un Dieu. Ce sera la première proposition de l’article premier. Car c’est la notion évidente (pour Bossuet), avant laquelle il’n’y a rien. De là découleront la charité réciproque, la fraternité universelle, le devoir de s’entr’aider, la communauté même d’intérêts, qui sont les fondements et les moyens essentiels de la société humaine.

Ayant ainsi établi les principes de la société, Bossuet passera aux origines et à la nature de l’autorité : des principes du premier livre résultera, sans exclure aucune forme de gouvernement, la supériorité de la monarchie héréditaire de mâle en mâle ou d’aîné en aîné. Les livres III, IV, V expliqueront la nature et les propriétés de l’autorité royale. Le livre VI développera les devoirs des sujets envers le prince, les livres VII et VIII les devoirs du prince envers les sujets. Dans les livres IX et X seront traités les secours, de la royauté, guerre, finances, impôts, conseils, choix des ministres, agents et conseillers. On voit comment nous aurons passé constamment du plus simple au plus composé, tirant, sans cesse des vérités déjà établies la solution des problèmes ultérieurement posés, et faisant à chaque livre entrer dans les problèmes certaines données nouvelles qui les rendent plus complexes. Le titre de chaque proposition n’indique pas seulement t le’sujet particulier qui doit y être traité : il est presque toujours un véritable énoncé de théorème dont le texte fournit la démonstration. Le livre doit se lire comme on lit un traité tle géométrie, en donnant une attention très exacte aux énoncés souvent la formule qu’ils, contiennent n’est pas reproduite dans le texte, qui en fournit seulement la démonstration sans la répéter. D’autres fois, la formule est reprise à la fin, avec une affirmation équivalant au traditionnel ce qu’il fallait démontrer[1].

Cependant, malgré sa forme, l’ouvrage de Bossuet n’est pas une

  1. Voir notamment, sur le procédé de Bossuet, I. I, art. 1, prop. iv ; I. II, art. 1, prop. viii et xi.