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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

vent, nous rencontrons chez lui des idées, des démonstrations, des expressions, qui sont d’origine manifestement cartésienne. Assurément il lui suffisait d’être soumis comme il l’était à la tradition catholique, pour tenter de détruire la Réforme par l’exposé des variations des réformateurs : toutefois, qu’on relise seulement la Préface de l’Histoire des variations, et l’on pourra se demander si la démonstration tentée n’exige pas chez le lecteur et chez l’auteur une persuasion bien établie que les idées vraies, ce sont les idées claires, et que la doctrine vraie, c’est la doctrine logique, où toutes les propositions sont déduites nécessairement des principes. Le livre n’a toute sa valeur que pour un esprit qui se conduit par la méthode cartésienne[1].

Le second point du sermon sur la Mort est, dans sa première partie, un essai de démonstration purement philosophique, de l’immatérialité de l’âme, à laquelle s’attache l’immortalité. Or tout ce raisonnement suppose les principes cartésiens : distinction de la pensée et de l’étendue, impossibilité d’attribuer la pensée à la matière, simplicité de la substance pensante, d’où il suit qu’elle ne pourrait être détruite que par un acte spécial de la puissance divine. Descartes prouvait l’existence de Dieu par l’idée de l’infini dans un esprit fini ; Bossuet fait un renversement ingénieux de la preuve pour établir que l’être fini qui conçoit l’infini ne peut pas ne pas être un esprit l’homme n’est pas tout corps s’il conçoit l’esprit pur, en son absolue et éternelle perfection. Et ici, c’est-à-dire justement au point que Descartes fixait comme le terme infranchissable à l’investigation rationnelle, Bossuet introduit le dogme, pour garantir la vie future et la résurrection.

Ainsi, contre le matérialisme, Bossuet emploie les arguments de la philosophie cartésienne pour préparer les vérités supérieures de la révélation.

Après Pascal et Bossuet, nous rencontrons Boileau et La Bruyère : deux écrivains inégalement frottés de philosophie, plutôt que philosophes au sens exact du mot. Pour ces deux-là, l’influence de Descartes se détermine aisément il leur a donné tout ce qu’ils ont eu de philosophie. Il a été la source de pensée philosophique où ils ont constamment puisé, lorsqu’ils se sont préoccupés des problèmes

  1. Nous verrons plus loin que la Politique tirée de l’Écriture sainte est ordonnée selon la méthode de Descartes.