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L. WEBER. IDÉES CONCRÈTES ET IMAGES SENSIBLES. 43 l’existence de l’objet pensé, si ce n’est qu’on la reconnaît pu qu’on en prend conscience. C’est pourquoi la méthode logique, utile pour expliquer et analyser la signification des concepts, ne convient plus quand on veut en apprécier la nature et en décrire la formation. Là elle aboutit à des tautologies. Le problème des idées doit donc être traité psychologiquement, c’est-à-dire qu’il faut considérer les idées, sans se préoccuper de leur contenu, comme, des événements, des phénomènes mentaux d’un certain ordre,, et en déterminer les ressemblances et les différences avec les autres phénomènes de l’esprit, sensations, perceptions,, émotions, volitions, etc. L’idée de chose particulière est, avons-nous dit, avant toute détermination, et d’une manière formelle, position d’existence logique, ou, si l’on préfère, existence même, selon le point de vue extérieur ou intérieur, d’action ou de fait signifié. Toute notion, singulière, particulière ou commune, définie comme activité d’un certain ordre, commence par poser une existence régie par le principe d’identité, La forme qu’elle imprime à son contenu et qui le synthétise en une unité cohérente répond à la catégorie de l’existence, à l’abri des hasards de la perception, déliée des entraves de la durée et échappée aux localisations spatiales ; cette catégorie ne peut recevoir d’autre nom que celui d’existence logique, être des métaphysiciens. Ainsi, toute idée est existence.

Dans l’histoire de la vie mentale, la notion de choses ne s’est •formée que longtemps après que la perception extérieure eut peuplé les mémoires individuelles de percepts variés et complexes. L’acquisition des idées et celle du langage sont deux faces d’un même progrès que l’espèce humaine, parmi tous les vivants, a très probablement été seule à réaliser ; progrès essentiellement social, qui fait tomber les barrières entre les consciences. Parole et pensée sont, en effet, des fonctions collectives et sociales, tandis que la perception concerne plus exclusivement l’activité individuelle. Dans l’exemple pris au début et dont nous nous sommes servis pour conduire jusqu’ici la discussion, la différence qui, sous ce rapport, sépare la perception de l’idéation, apparaît avec évidence. Si le nom n’était qu’un signe d’images et qu’une occasion d’en susciter, par quel lien les esprits s’uniraient- ils ? Tout au plus réussiraiént-ils à confronter les impressions fugitives que la mémoire ressusciterait un instant et les simulacres suggérés par la fantaisie, images imparfaitement semblables dans l’ensemble et parfois inconciliables dans