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établissait par là une ligne de démarcation bien tranchée entre deux procédés de recherche. Quand, on veut serrer de près les faits, les termes généraux d’une théorie doivent être abandonnés et faire place à des cadres plus étroits, se prêtant a toute la rigueur dont sont susceptibles actuellement les méthodes expérimentales. III. LE SAVANT

Le savant ne se contente pas des résultats bruts d’une expérience. Il ne. lui suffit pas d’émettre timidement des hypothèses sur ta portée de ses découvertes. Il force l’attention par l’extension qu’il leur donne et par les applications qu’il en tire. Une idée générale prête plus à la critique que les faits rigoureusement établis sur lesquels elle s’appuie. Mais comme la généralisation est à la fois le but de l’esprit scientifique et le ressort des découvertes, le savant doit être iirmé pour la lutte.

Pasteur l’était, et jamais peut-être on ne vit adversaire plus redoutable, habile à démasquer ses ennemis, à trouver leur point faible, habile surtout à resserrer ses conclusions dans les limites des faits observés.

I ! y a moins de dix ans une violente discussion s’engageait devant l’Académie de médecine à propos de la vaccination antirabique. M. Peter, professeur à la Faculté de Paris, ne comprenait pas que sans être médecin ou vétérinaire on pût s’occuper des maladies des hommes et des animaux ; quatre ans auparavant ses critiques avaient commencé à propos de la vaccination charbonneuse. Il revenait à la charge en prétendant que Pasteur ne guérit pas la rage, mais qu’il la donne. Pasteur était absent, mais sa défense fut victorieusement présentée par MM. Grancher et Vulpian. S’il eût été là, on aurait vu comme en toute circonstance, comme M. Peter lui-même l’avait vu pour sa confusion quelques années plus tôt, comme on le vit encore six mois plus tard devant l’Académie des sciences, on aurait vu le^sexagénaire indomptable, debout sur la brèche, dé fiant l’adversaire mal informé, s’appuyant toujours pour affirmer sa belle découverte sur la même inattaquable logique. Quand un savant a laborieusement accumulé pendant toute une carrière des trésors de progrès scientifique et industriel et qu’affaibli par l’âge il se trouve plongé par des découvertes spéciales au milieu