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E. BATAILLON. LOUIS pasteur. 21

par Pasteur lui-même. Une mission du ministre de l’agriculture ayant mis, en sa possession un certain nombre de vaches qui avaient guéri du charbon, il constata que ces sujets étaient réfractaires aux nouvelles injections de bactéridies. Le charbon étant reconnu vaccinable, il s’agissait d’obtenir un virus atténué, et Pasteur s’adjoignit pour ces recherches le docteur Roux. La méthode employée pour le choléra des poules se trouvait malheureusement insuffisante en raison même du mode d’évolution dé la bactéridie. Exposé à l’air à la température ordinaire, le bacille du charbon se transforme rapidement en corpuscules germes plus.résistants qui conservent leur virulence pendant un temps considérable. Il fallait trouver un moyen de garder au contact de l’oxygène la forme filamenteuse. Des essais •tentés à une température voisine de la limite d’évolution, vers 42 ou 43°, furent couronnés de succès. La même forme végétative se conserve pendant plusieurs semaines, puis elle meurt. Ainsi après deux, quatre, six ou huit jours d’exposition, on peut expérimenter la virulence des cultures, et l’on se trouve en possession d’une série graduée dont^chaque terme est un vaccin pour le précédent. Quand trois mois après la communication de cette découverte (5 mai 1881) commencèrent à la ferme de Pouilly les fameuses expériences provoquées par la Société d’agriculture de Melun, l’émotion fut considérable. Le 2 juin, rendez-vous assigné par Pasteur, en présence du préfet de Seine-et-Marne, des conseillers ’généraux, des sénateurs, des journalistes, des médecins et des fermiers accourus en foule, le savant exposait les merveilleux effets de sa méthode. Six vaches, vingt-quatre moutons et une chèvre prenaient le charbon ; aucun des animaux vaccinés ne fut malade. On n’a pas oublié ces grandes journées, et on sait quelle extension rapide prit la vaccination charbonneuse.

La méthode d’atténuation employée avec succès pour le choléra des poules et pour le charbon avait pour origine des faits expérimentaux. Mais dans l’esprit du savant elle n’en excluait pas d’autres. Un de ses plus jeunes collaborateurs, Thuillier, découvrait en 1882 le microbe du rouget du porc. Ce microbe inoculé au lapin ne le tue pas fatalement ; mais, par des passages successifs de lapin à lapin, il devient mortel. Or, eh même temps que sa virulence augmente pour le lapin, elle diminue pour le porc. Pasteur arrivait ainsi, par des inoculations sériées sur un organisme différent, à un vrai vaccin immunissant le porc contre la maladie du rouget..