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Quoiqu’il en soit, il y a en basque deux auxiliaires de la conjugaison périphrastique, aux sens respectifs de „avoir“ et „être“. C’est ici que commence ce qui appartient en propre à M. de Ch. dans la théorie que j’examine. Selon lui, les deux auxiliaires, seuls verbes véritables du basque, sont des créations adventices et relativement récentes : le verbe „avoir“ dérive de „être“, car „j’ai“ p. ex. c’est „il est à moi“ ; et, quant à „être“, il est formé, dans ses deux temps principaux (présent et imparfait de l’indicatif), de pronoms déclinés par le suffixe instrumental (que les „bascophiles“ ont qualifié du titre bizarre de médiatif) auxquels s’ajoutent, à l’imparfait, l’adjectif zen „mort, défunt, feu“ ; ce même zen constitue à lui tout seul la 3e pers. sing. de l’imp. indic. Il paraît que quelque chose d’analogue se serait passé dans certains idiomes de l’Amérique qui se seraient forgé tout récemment un verbe „être“. Quant à la 3e pers. sing. de l’indic. prés., M. de Ch. la déclare empruntée au celte.

M. de Ch. ne cherche à expliquer phonétiquement que les deux premières personnes : niz „je suis“, hiz „tu es“ sont pour lui en réalité ni-z, hi-z „par moi, par toi“ ; nintzen „j’étais“, hintzen „tu étais“ c’est niz, hiz plus zen „mort“, avec n adventice, euphonique et zz „adouci“ en tz. Examinons ces étymologies.

On peut objecter en premier lieu à M. de Ch. qu’en fait „par moi, par toi“ se dit en basque nitaz, hitaz, avec ce ta qui intervient à tous les cas locaux dans la déclinaison nominale indéfinie et, en outre, à l’instrumental de tous les pronoms : on dit en effet gutaz „par nous“, hartaz „par celui-là“, huntaz „par celui-ci“, zertaz „par quoi ?“, nortaz „par qui ?“ etc. ; quelques dialectes varient taz en tzaz et disent p. ex. hartzaz, zertzaz, etc. M. de Ch. a prévu l’objection, mais sa réfutation me semble