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a là quelque analogie avec le procédé qui a donné naissance au basque dakharkit „il me le porte“.[1]

D’ailleurs, le système verbal du basque n’est point sans lacunes. Il ne possède pas, comme les langues ougriennes, le verbe actif indifférent, indéfini ; et quand le magyar, p. ex., peut employer deux formes telles, que látom „je le vois“ et látok „je vois“ le basque ne peut dire que „je le vois", dakusat (périphrastiquement ikusten dut). Il ne saurait dire non plus en un seul mot : „je donne à lui“ p. ex. et a perdu des formes qu’il paraît avoir anciennement possédées telles que : „je te donne à lui“ ou „il me donne à toi“.[2]

Au surplus, le nombre des combinaisons de cette nature varie beaucoup d’un idiome à l’autre. Nous pourrions citer de nombreux exemples et voir comment s’opère dans diverses langues la suffixation ou préfixation des signes modals ou temporels ; nous nous contenterons de rappeler la multiplicité des voix du verbe turc où sev-mek „aimer“ peut se développer jusqu’à sev-ich-dir-il-he-me-mek (en un seul mot) „ne pas pouvoir être amené à s’aimer réciproquement“. Au point de vue de sa capacité agglutinante, le basque n’est-il pas inférieur aux idiomes américains qui à côté de la conjugaison indéterminée

  1. Il y a seulement analogie, car il ne faut pas perdre de vue la différence fondamentale entre le développement formel (préhistorique) qui a lieu à l’aide de racines nues et la composition (historique).
  2. Le seul document linguistique où l’on trouve des traces de pareilles formes est le Nouveau testament (labourdin mêlé de bas-navarrais), traduit par Jean de Liçarrague de Briscous, publié en 1571 à La Rochelle par ordre de la reine de Navarre, Jeanne d’Albret. Des exemplaires de ce précieux livre se trouvent à la Bibliothèque Nationale, à Paris, et dans la Bibliothèque publique de la ville d’Oloron. Puis, à Londres, au British Museum et à la Société biblique. — Voy. Revue de linguistique, V, 193, note).