Page:Revue de linguistique et de philologie comparée, tome 46.djvu/163

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 155 —

Chassés de la Chine et du Japon par les jésuites, les démons se seraient réfugiés dans le pays basque où la nature du sol, le climat, le caractère et les habitudes des habitants leur offraient un terrain extrêmement favorable.

Je ne prétends pas traiter ici de la sorcellerie en elle-même, — au moins, je renverrais à Michelet, — mais je dois faire observer que son origine est beaucoup plus ancienne et beaucoup plus compliquée que ne le suppose le magistrat bordelais. C’est évidemment d’Espagne qu’elle est venue au Labourd et elle avait passé auparavant de France en Espagne pour la Catalogne sans doute. Quant à l’époque de son organisation, les noms que nous trouvons dans certaines formules — Philippe, Pierre d’Aragon, Jean de Castille, Valence — l’indiquent suffisamment. En retranchant de l’exposé de Lancre les extravagances, les fantaisies, les inventions que la peur inspira aux témoins et aux accusés, il reste non moins des faits précis qui permettraient de s’en faire une idée. C’était comme une société secrète, une sorte de franc-maçonnerie avec ses signes et ses formules ; on se réunissait, les soirs ou la nuit, surtout du samedi au dimanche, dans un lieu écart et désert. C’était en quelque sorte la revanche des misérables, les protestations contre les lois injustes, contre la société organisée, la révolte des opprimés contre les oppresseurs, des serfs contre les maîtres, des pauvres contre les riches. L’assemblée était aussi présidée par un bouc, animal immonde, personnifiant les puissants de la terre et c’est de là que vient le nom basque du lieu du