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le premier le basque seul, le second toutes les autres langues connues. Je crois qu’il est encore trop tôt pour avancer une hypothèse aussi hardie et que rien ne saurait justifier, puisque l’étude scientifique du basque est à peine commencée. Pourtant, depuis quelques années, on s’en occupe avec ardeur de plusieurs côtés ; bientôt sans doute la lumière sera faite sur l’idiome dont on a pu dire, non sans raison, qu’il rendait fous ceux qui voulaient l’approfondir. Quant à moi je crois avoir déjà des motifs sérieux de penser que le basque ne diffère pas des autres langues. L’esprit humain a-t-il pu, dans la longue suite des âges, passer par des périodes telles qu’il ait donné des produits essentiellement différents ? A-t-il pu, entre autres, créer une langue sans verbes ou plutôt avec un verbe unique et sans radical ? Jusqu’à présent, toutes les langues qui ont pu être analysées se sont montrées semblables les unes aux autres, sinon quant aux procédés, du moins quant à la manière d’être : le temps nous apprendra si le basque fait exception à cette merveilleuse unité, d’autant mieux admissible qu’on ne la regarde plus comme l’œuvre immuable d’une puissance supérieure, mais qu’elle nous apparaît comme un fait résultant naturellement de l’identité des produits que donnent, dans les mêmes circonstances, les facultés qui constituent la raison d’être de notre espèce. Nées avec elles, par elles et pour elles, les langues doivent être, comme elles, susceptibles de progresser sans cesse et de guider l’humanité dans sa marche toujours plus rapide, à laquelle, heureusement, nous ne voyons pas de terme.

Julien Vinson.
Bayonne, le 24 février 1869.