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La personne même du Bouddha dut prendre de bonne heure une importance considérable ; plus la religion se répandait, plus le nombre des convertis se multipliait et plus il devenait difficile de voir le maître, de l’approcher, de l’entendre. Après sa mort, ce ne fut plus un homme ordinaire ; son œuvre était si considérable, qu’on vit en lui de bonne heure un sauveur prédestiné. En même temps, par une sorte d’action réflexe ou rétrospective, on se dit que sa doctrine était trop capitale, trop essentielle, pour avoir été découverte si tard, car l’humanité est déjà bien vieille. Il parut vraisemblable qu’enseignée plusieurs fois aux habitants du monde, elle ait été plusieurs fois oubliée, tant est grande la faiblesse de l’esprit humain, et l’on supposa qu’il y avait eu, avant Gâutama, vingt-quatre sauveurs comme lui, vingt-quatre Bouddhas, qui, comme lui, étaient venus successivement rétablir la pure doctrine. Cinq mille ans après la mort de Siddhârtha, il en naîtra un autre, le dernier, qui s’appellera Mâitrêya « l’amical », ou Adjita « l’invaincu ».

Ces vingt-six Bouddhas sont des bienfaiteurs de l’humanité ; mais ce ne sont pas les seuls sages parfaits qui aient pu exister. On peut être sage et ne pas être utile aux hommes, ne pas s’occuper de propagande ou d’enseignement. C’est pourquoi, dans le Bouddhisme postérieur, on eut les Bouddhas individuels, pratyêka-bouddha, êtres vénérables, mais envers lesquels on n’a point de reconnaissance à conserver. Quant aux vingt-six docteurs secourables, on songea, au contraire, à les vénérer dans leurs vies antérieures, puisque, en leur qualité d’hommes, ils ont dû passer par de longues séries de renaissances ; deux de ces « prébouddhas », si l’on peut s’exprimer ainsi, sont