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Un abrégé du Mahâbhârata, le grand poème vichnouviste, n’est pas moins précis : « La vertu produit la victoire ; le péché détruit la force ; telle est l’activité, disent ceux qui ont franchi les limites de la science… »

Des passages plus explicites encore se rencontreraient dans les compositions des Djâinas qui sont très probablement de vieux hérétiques bouddhistes. On lit dans le Tchintâmaṇi, par exemple :

« Tel, lorsqu’on coupe le pédoncule d’un nénuphar, un fil suit, inséparable ; telle, la mauvaise activité ne s’éloigne pas quand l’âme quitte son ancien corps : elle demeure jointe à elle, l’entoure, l’embrasse, entre où elle entre, la suit et allume le feu ardent d’une douleur illimitée.

« Lorsque, devenus hommes à l’esprit vertueux, nous avons rendu des services à tous, notre bonne activité court après notre âme comme l’ombre suit l’oiseau : elle reste en nous sans que rien n’en manque et elle nous procure tout ce que nous pouvons désirer… »

Cette théorie est tellement naturelle et ordinaire dans l’Inde, qu’au début d’un poème chrétien, composé dans une langue du sud de l’Inde, au commencement de ce siècle, par un haut fonctionnaire anglais. Dieu est appelé « la grande mer où n’existent pas les vagues du bien et du mal ». Je pourrais rappeler beaucoup d’autres passages et rechercher bien des légendes caractéristiques ; je ne dirai qu’un mot de la sainte de Karikal, Punîtavatî, qui, abandonnée par son mari à cause des faveurs divines que lui avait méritées sa grande vertu, obtint la grâce de se débarrasser jeune encore de son corps et de s’absorber aux yeux des fidèles émerveillés dans le grand Çiva, qui, pour les çivaïstes, personnifie l’âme universelle,