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imparfaits et d’aspirations inassouvies, ils se dirent que la vie, résultat de ces manifestations partielles de l’âme générale, est un mal qu’il faut songer avant tout à détruire ; que l’existence individuelle et égoïste, par les besoins et les devoirs qu’elle crée, est éminemment fâcheuse ; que d’ailleurs, ces besoins et ces devoirs tendent à la perpétuation de l’égoïsme et de l’individualité ; et ils conçurent leur doctrine de la transmigration des âmes, de la renaissance sous des formes plus ou moins agréables selon les mérites ou les démérites de chacune des vies passées, jusqu’au jour où tout égoïsme se trouvant détruit, l’âme individuelle n’a plus conscience de son isolement et se confond, dès lors, avec l’âme universelle. Cette conception, commune aux diverses écoles philosophiques de l’Inde, est le fond même de toutes les religions indiennes ; elle a surtout été développée dans le Bouddhisme et le Çivaïsme.

On sait de quelle manière Çâkyamuni, le pénitent de la race Çâkya, Gâutama, nommé aussi Siddhârtha, fils du roi de Kapilavastu, fut amené, au sixième siècle avant notre ère, à chercher la voie du salut. Comme il se rendait à son jardin de plaisance, dans tout l’appareil royal, il fit quatre rencontres qui décidèrent de sa destinée : un vieillard décrépit lui apprit la caducité de la jeunesse ; un malade lui montra la fragilité du corps ; un cadavre lui fit songer au néant de la vie ; un religieux mendiant, heureux dans son insouciante pauvreté, lui fit comprendre la supériorité de la vie contemplative. On sait également comment le jeune prince s’enfuit de son palais, pour aller prendre les leçons des sages ; et, comment, après avoir en vain pratiqué les austérités les plus cruelles pendant sept années, désabusé des enseignements de ses maîtres, il