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envahissait le latin classique. On va, sur ce terrain, jusqu’aux textes carlovingiens. — Ne devrait-on pas plutôt prendre ces mots pour des mots de la langue nationale, qui commençaient à se glisser dans le vocabulaire officiel en empruntant un manteau latin, si bien que ces mots, bien loin d’avoir formé les vocables français, italiens ou espagnols, auraient été formés par eux ?

3° Des mots fabriqués par analogie, comme œtaticum, pour expliquer âge, qu’on ne peut faire dériver de œtas. Va pour œtaticum et ses pareils, mais si les Gaulois ont jugé à propos d’arranger de la sorte les mots latins, est-ce que cela ne prouverait pas qu’ils obéissaient en cela au génie de leur propre langue, et, encore une fois, que c’est ici le français qui explique le latin ?

Mais la question importante est avant tout de savoir comment et par qui le latin populaire aurait été importé en Gaule. Je n’en ai trouvé l’explication nulle part, car je ne puis prendre pour une explication deux lambeaux de phrase jetés incidemment par M. Brachet dans sa Grammaire historique :

« Mais ce latin, qu’importaient en Gaule les colons et les soldats… » (P. 116.)

Puis :

« Importé en Gaule par les soldats et les colons, le latin vulgaire… »

Et c’est tout !

Mais c’est ici précisément qu’était le nœud de la question : il eût fallu nous montrer des légions de soldats romains campées sur tous les points du pays, nous faire voir les colons romains affluant en masse vers tous les points de la Gaule, afin de justifier quelque peu cette