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avaient représenté par des substantifs féminins certaines idées morales ou intellectuelles, comme les idées abstraites par exemple, si elles s’étaient créé, pour ainsi dire, des moules de cette espèce, dont elles s’étaient fait une longue habitude, n’était-il pas fatal que ces idées, qui s’étaient exprimées par le genre masculin en latin, prissent le genre indigène, natal, habituel ? D’ailleurs, les peuples vaincus, envahis sont toujours plus nombreux que les vainqueurs, et les Romains durent prendre pour femmes des Gauloises, qui inculquèrent à leurs enfants les lois principales de leur langage. Si les vainqueurs introduisirent une très-grande partie de leur vocabulaire, les vaincus imposèrent leur prononciacion et leur grammaire ; il se passa alors ce qui eut lieu plusieurs siècles plus tard, lors de l’invasion normande en Angleterre. Les Romains apportaient donc leurs substantifs masculins en or, à signification abstraite, chez un peuple dont les synonymes étaient féminins, Gallia victa victorem cepit, et les mères les féminisèrent pour leurs enfants gallo-latins. Ainsi il suffit de mettre en regard de ces noms en or leur synonymes celtiques féminins :

Masc. Frigor, la froidure, = fém. celt. ienen.
Candor, la blancheur, gwender.
Rubor, la rougeur, ruzder.
Calor, la chaleur, tomder.
Dulcor, la douceur, kunvelez.
Color, la couleur, livadurez.
Grandor, la grandeur, brazder.
Pavor, la peur, aoun.
Dolor, la douleur, anken.
Amor, l’amour, karantez.
Clamor, la clameur, galvaden.
Valor, la valeur (le prix), talvondeguez.