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encore aujourd’hui dans la bouche du peuple, passa au masculin vers le XVe siècle, sous l’empire de l’idée de force, d’énergie, par suite de la découverte de poisons énergiques. Même au sein du latin, ce point de vue se montra : laurus et cupressus sont masculins dans Plaute, dans la langue populaire. Pour d’autres mots, l’idée variait entre le peuple et le monde lettré, par conséquent le genre. Le substantif pulvis, pulveris était féminin à l’état archaïque, féminin dans Ennius, féminin dans Plaute et dans la langue populaire, celle qui a formé notre français, où poulvre, pouldre est féminin. Il en était de même de frons, frontis, masculin à l’état d’archaïsme, et un poète comique, c’est-à-dire parlant la langue du peuple, Cæcicier Slatius, disait fronte hilaro.

Aux origines connues, mais relativement récentes encore, de notre langue française, les genres se soustraient au latin littéraire. On peut citer le suo part, « de sa part », dans le serment de 842. On trouve dans les sermons de saint Bernard choses défaillants ; dans le Voyage de Charlemagne « la menzonge et la sépulcre. »

Pour modifier le genre des noms latins en or, une classe très-nombreuse, il a fallu une cause puissante ou plusieurs causes concourant à la fois. Nous en connaissons trois : 1o la cause phonétique ; 2o la cause historique ; 3o la cause philosophique.

1o Cause phonétique : c’est celle de la prononciation. Une observation de Édélestand du Méril m’a mis sur la voie de la solution : « Quoiqu’on écrive eur sans e muet, la forte articulation de R supplée à son absence et le fait réellement entendre. » En effet, le latin calor, calorem, est devenu caure, avec l’e muet dans le douzième et treizième