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auant les espouser & les prendre comme à l’essay, fait qu’ils ne leur touchent guieres au cœur, comme leur estant perpétuellement en doute, resuant tousiours sur la façon, et sur le mescomte du teps qu’ils sont arriués et départis de leurs maisons, si bien que si elles deuiennent sorcières et endiablées, ils reuiennent sauuages & marins.

« Pour les femmes, elles viuent en pareil et plus grand degoust, d’autant qu’elles n’ont la conuersation de leurs maris qu’à demy, & auec tous ces essays, doutes, incertitudes et longueurs, elles ne les tiennent aussi pour maris qu’à demy, n’en ayans le secours qu’il faudroit pour leurs familles & pour elles-mesmes : n’estant traictées en femmes qu’à demy, si bien que la pluspart trouuent à leur retour que les mères ont choisi et donné à leurs enfans vn autre père, en ayant faict vn présent à Sathan.

« Et comme les Indiens en l’isle espagnolle prenant la fumée d’une certaine herbe appelée cohoba, ont l’esprit troublé, & mettant les mains entre deux genoux & la teste baissée, ayant ainsi demeuré quelque temps en extase, se lèuent tout esperdus et affolés cōtant merueilles de leurs faux Dieux qu’ils appellent Cemis, tout ainsi que font nos sorcières qui reviennent du sabbat. De mesme ceux-cy vsent du Petun ou Nicotiane, en ayant chacun vne plante en leurs Iardins pour petits qu’ils soient, la fumée de laquelle ils prennent pour se descharger le cerueau, & se soutenir aucunement contre la faim. Or ie ne sçay si cette fumée les estourdit comme cette autre herbe des Indiens : mais ie sçay bien et est certain qu’elle leur rend l’haleine & le corps si puant, qu’il n’y a créature qui ne l’ait accoustumé qui le puisse souffrir, et en vsent trois ou quatre fois par iour. Ainsi elles les sentent au sauuage,