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même ? Qui, en présence de singuliers comme dôn-um ou δῶρ-ον, oserait considérer dôna et δῶρα comme des formes plurielles primitives ?

Ici, il est vrai, nous rencontrons une objection d’un autre genre. Le neutre n’a pas de véritable pluriel, nous dit-on. Cet a qui le désigne exprime tout au plus une notion collective qui n’entraîne pas nécessairement le verbe au pluriel. C’est ainsi que s’explique la règle bien connue de la grammaire grecque : τά ζῶα τρέχει. Nous appelons ici l’attention sur une observation curieuse de Bopp : ce savant orientaliste avait remarqué que dans le zend les substantifs sont déclinés volontiers au pluriel comme si tous ils étaient du genre neutre. La différence des sexes, et partant celle des genres, disparaissent dans le grand nombre. Il en résulte une confusion plus grande, et d’autant plus regrettable que ces pluriels du genre neutre ne s’accordent pas toujours, quant au genre, avec les pronoms et adjectifs qui s’y rapportent[1].

Toutefois, parmi les langues indo-européennes, le grec seul connaît la règle : τά ζῶα τρέχει. Il faut sortir de cette famille ; il faut aller jusqu’à l’albanais[2], et notamment jusqu’à l’arabe et à l’égyptien, pour lui trouver des analogues. Dèés lors il paraît plus que vraisemblable que des pluriels neutres en -âni ont servi de modèle à tous les autres de la langue sanscrite ; que la nasale se sera introduite à peu près dans tous sans exception. Plus tard, lorsqu’à côté des formes vanâni, purâni, varîni se montraient les formes plus concises vanâ, para, varî, les autres

  1. Bopp, I, p. 456.
  2. Hahn, Albanesische Studien ; Grammatik, p. 39.