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l’a est la voyelle distinctive. On sait que l’immense majorité des verbes sanscrits suit les paradigmes de bhôdhâmi et de tudâmi. Les pluriels en âni des neutres, si nombreux en am, habituèrent l’oreille des Indous à attendre un n au nominatif et l’accusatif de tous les neutres. La nasale paraît s’être glissée ainsi dans les nominatifs et accusatifs pluriels des neutres en i et en u d’abord, et s’être introduite enfin dans les désinences des mêmes cas des neutres terminés par une consonne, quoique son insertion semble manquer ici de toute raison et de tout prétexte empruntés aux règles de la phonétique sanscrite.

La forme du pluriel en -âni serait donc une modification de -ûmi. On devine pourquoi les intelligents créateurs du langage indou ont transformé en n l’m primitif. On voulait éviter la coïncidence de ces pluriels avec la première personne du présent des verbes en a. On arrivait ainsi, il est vrai, à une autre coïncidence, à celle des pluriels neutres en âni avec la première personne des impératifs se terminant en âni également[1].

  1. La permutation des deux nasales m et n est un fait assez rare, lorsqu’il s’agit de formes appartenant à la même langue. En général, elle est amenée par des raisons d’euphonie à la fin des mots ou au milieu des composés (Bopp, Vergleichende Grammatik, I, 30), Curtius (Grundzüge der Griech. Etymologic, II, p. 120 et suiv.) a réuni un certain nombre de cas incontestables qui se rencontrent dans la langue grecque. Il cite d’abord μιν et νιν, formes pronominales qui sembleraient avoir remplacé un ancien accusatif ιμιμ, identique à l’ancien accusatif emem = eundem, dont il est fait mention par Paul (Epit., p. 79). Puis Curtius rappelle ξυνός = ϰοινός, dérivés de cum, scr. tamas, et lat. ten-ebrœ ; scr. mâ, gr. μή, lat. nê ; βαίνω = l. venio, scr. gam, goth. quam, et tant d’autres. Ce qui est plus important, c’est que le génitif du pronom de la première personne, qui est en sanscrit marna (on peut y joindre l’ablatif védique mamat, prâkrit mamâdo, locatif