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noms. Les Latins ont eu leur egomet, leur istic, leur tute, leur mihipte. Les langues celtiques ont des formes telles que messe pour mi, tussu pour tu ; snisni ou snini signifient « nous », sisi ou sissi « vous ». Quoique ces appendices soient d’une origine probablement récente, ils n’en sont pas moins difficiles à expliquer. Le fait est que l’usage avait tellement affaibli les formes primitives, qu’il fallait chercher à leur donner de nouveaux étais, chaque fois qu’il s’agissait de les faire ressortir à l’aide de l’accent oratoire au milieu d’autres mots importants de la phrase. Les Celtes avaient déjà traité leurs pronoms, exactement comme nous traitons aujourd’hui les nôtres. Notre syntaxe se calque ici comme dans quelques autres cas, non pas sur la syntaxe latine, mais sur celle de l’idiome parlé de nos premiers ancêtres. Ceux-ci disaient ni-s-fit-is « il ne les connaît pas eux », ou bien : ro-m-soir-sa, mot à mot « pro me salvavit hunc », c’est-à-dire « il m’a sauvé moi » ; ou encore : ro-nn-icc-ni « il nous sauva nous » ; ou enfin : ni-b-ta « non vobis est ». Ces petites phrases rappellent dans une certaine mesure les allures des langues incorporantes. Le pronom réduit à sa plus simple expression se trouve intercalé entre le verbe et la négation, ou bien entre le verbe et son préfixe. En français, on distingue ainsi, non seulement entre me, te, le, et moi ou à moi, toi ou à toi, lui ou à lui, mais encore entre moi et je, toi et tu, lui et il. La langue albanaise a adopté un procédé qui rappelle à la fois celui des idiomes celtiques et du français ; elle insère la forme abrégée du pronom dans certains cas entre le radical du verbe et sa désinence, puis elle peut répéter le pronom en lui laissant sa forme pleine : σιλ-με-νι εδε μυα χαϐερ : « ap-