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On sait également la légende phrygienne relative à la nymphe Sangaride, devenue mère d’Atys pour avoir mangé les pépins d’une grenade. On ne nous trouvera pas sans doute trop téméraire si nous disons que cette déité devait personnifier la lune. Elle est, en effet, d’après une autre version, l’amante d’Atys assimilé au soleil, aussi bien que le Mithra des Perses, et a pour rivale Cybèle, la principale divinité du panthéon phrygien, qui n’est autre chose que la terre[1]. Mais, d’une autre part, la terre, elle aussi, symbolise parfaitement le principe femelle dans son opposition au principe mâle et actif figuré par l’astre du jour. Et puis, quelle façon plus énergique d’affirmer sa foi à la gynécocratie religieuse, que de nous représenter une vierge enfantant le héros libérateur par excellence, l’astre du jour, et cela par sa seule puissance ? En vain les ethnographes voudraient-ils, au nom de leur science de prédilection, contester le caractère sémitique des croyances phrygiennes.

Sans doute, le peuple de Phrygie, apparenté aux Bryges de Thrace dont il tirait son nom, se rattachait, comme ces derniers, à la race indo-européenne[2]. Mais n’oublions pas, d’un autre côté, qu’il avait eu nécessairement des points de contact plus ou moins nombreux avec certaines tribus sémitiques établies, suivant toutes les apparences, avant lui en Asie-Mineure. Le fabuleux récit des luttes de Bellérophon contre les Solymes ne paraît être qu’un dernier écho des combats qu’eurent à

  1. Fr. Noël, Dictionnaire de la fable, art. Atys, Cybèle et Sangaride, Paris, 1803.
  2. M. d’Arbois de Jubainville, Les premiers habitants de l’Europe, liv. II, chap. III, p. 169 et suiv., Paris, 1877.