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L’on a même été plus loin, et plusieurs savants ont cru retrouver dans ces éléments gynécocratiques, spécialement dans la prééminence de la lune, un legs fait aux Sémites de Babylone par les anciennes races couschites ou chamites qui les avaient précédées dans les régions de l’Asie occidentale. Par contre, les Hébreux, qui conservèrent sa supériorité à l’astre solaire, seraient les représentants fidèles de l’esprit sémitique primitif.

Nous n’oserions avoir sur ces délicates questions une opinion trop arrêtée, ni décider quel était l’esprit des vieilles religions chamito-couschites, lesquelles nous sont encore si imparfaitement connues. On ne saurait contester les données gynécocratiques qui se manifestent dans certains cultes sémitiques.

Ajoutons, du reste, quelques mots à ce que nous avons déjà dit plus haut, concernant la cosmogonie babylonienne. Non seulement la matière inerte, personnification du principe femelle, passait pour coéternelle au principe mâle et spirituel, mais encore on attribuait à celle-ci une sorte d’énergie créatrice. La déesse Omoroca, autre emblème du chaos et de ce même principe féminin, aurait, par sa seule énergie, produit toute une génération de monstres hideux. Aussi, l’intelligence n’ayant eu aucune part à leur formation, durent-ils bientôt disparaître pour faire place à la création actuelle, c’est-à-dire à des êtres destinés à vivre et à se perpétuer, parce qu’ils sont, en partie du moins, l’œuvre de la puissance spirituelle[1].

  1. Les animaux de la vision d’Ézéchiel et la symbolique chaldéenne, p. 17 et suiv. (Extrait du vol. de 1875 des Mémoires de l’Académie de Caen.)