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Shin, nous dit-il, était naturellement le dieu des mois, puisque les riverains de l’Euphrate, comme tous les autres peuples d’ailleurs, avaient débuté par le comput lunaire. Leurs mois ayant alternativement 29 et 30 jours, ce dernier nombre se trouva forcément affecté à la lune. Maintenant, si le nombre 15, de son côté, l’était à Ishtar, déesse de la planète Vénus, c’est que ce dernier astre, lui aussi, possède des phases comparables à celles de la lune. Regardée en quelque sorte comme un diminutif de l’astre des nuits, elle présida à la quinzaine ou moitié du mois.

La suprématie attribuée par les premiers Chaldéens à Shin, le dieu de la lune, sur Shamash, la déité solaire, ne saurait être contestée[1]. Voilà pourquoi, comme il sera exposé tout à l’heure, l’or, le plus précieux des métaux, se trouvait consacré à Shin, tandis que Shamash, au mépris de toutes les lois de l’analogie, n’avait que l’argent dans ses attributions. L’on rapporte généralement cette supériorité de l’astre des nuits à une raison plutôt théologique qu’astronomique. L’on y voit une preuve du caractère gynécocratique de la vieille religion babylonienne, la lune étant regardée dans la symbolique de presque tous les peuples comme l’emblème de la puissance féminine et humide, tandis que l’astre des jours représente l’élément mâle et igné. Ce n’est que dans les documents d’époque postérieure que Shamash semble reprendre la primauté. Il y est qualifié de « grand moteur, régent ou arbitre du ciel et de la terre »[2], toutes épithètes, ainsi que le fait observer M. Lenormant, qui ne s’accorderaient guère avec un rang secondaire.

  1. M. Fr. Lenormant, Commentaire sur Bérose, frag. i, p. 95 et 96.
  2. Id., ibid., p. 97.