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sont très-grandes. C’est un des dialectes d’une vieille langue, dont il est d’autant plus intéressant de fixer la grammaire et le sens propre des mots que, sous l’influence des étrangers, il se fera probablement sous peu d’années un langage barbare, un petit sabir emprunté à trois ou quatre idiomes, qui masquera à jamais la trace la plus nette de la parenté des Futuniens avec d’autres peuplades.

Je ne parle point ici de la disparition même des Futuniens sous l’influence de la civilisation ou, si l’on veut, des maladies apportées par les Européens. Je pense que l’île échappera à tous les dangers résultant du contact avec les commerçants, par le seul fait que sa population est catholique.

Les missionnaires qui ont sauvé les indigènes de la dépopulation causée par la guerre et par l’anthropophagie, suite de la guerre et de la famine, ont su élever ici, comme dans les colonies espagnoles, comme au Canada, le moral des habitants assez haut pour que ces grands enfants deviennent des hommes et ne soient pas la dupe de leurs passions et des commerçants bien peu scrupuleux qui les exploitent.

Avant de croire au Christ, les Futuniens avaient une religion polythéiste agrémentée de fétichisme. Ils croyaient à quelques divinités bonnes et à beaucoup d’autres mauvaises. Les premières présidaient aux actes heureux de la vie ; les autres, et c’étaient celles-là auxquelles on faisait le plus d’offrandes, apportaient dans leurs mains toutes les calamités. Les plus grands chefs étaient habités par la divinité suprême Fakavelikele, double motif pour lui apporter des présents ; après la mort du chef, le dieu n’hésitait point à loger chez son successeur.

Les guerres auxquelles ont assisté les missionnaires montrent les Futuniens sous un jour absolument inédit pour celui qui les voit aujourd’hui assister le dimanche à la messe et ne plus savoir ce que c’est que prendre le bien d’autrui.

Leur courage, comme celui des Maoris, était au mode héroïque. Ils chantaient en combattant ; les jeunes gens seuls avaient le droit de se sauver dans les montagnes après une