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appellent les nombres. Il faut encore en dire un mot avant de passer à l’étude des cas.

« Le nombre, dit M. Bopp[1], n’est pas exprimé en sanskrit et dans les langues indo-européennes par des affixes spéciaux indiquant le singulier, le duel ou le pluriel, mais par une modification de la flexion casuelle, de sorte que le même suffixe qui indique le cas, désigne en même temps le nombre ; ainsi bhyam, bhyâm et bhyas sont des syllabes de même famille qui servent à marquer, entre autres rapports, le datif : la première de ces flexions est employée au singulier (dans la déclinaison du pronom de la 2e personne seulement), la deuxième au duel, la troisième au pluriel. »

Malgré notre vénération pour la science du fondateur de la linguistique comparée, il nous est impossible de ne pas le trouver ici en contradiction avec les faits. M. Schleicher dit du reste dans la dernière édition de son compendium (p. 300) :

« Dans l’indo-germanique, la racine comporte deux adjonctions (quant à la déclinaison) : 1o l’élément du cas ; 2o le signe du pluriel. »

Le singulier ne contient évidemment que le premier de ces éléments. En effet, le langage n’a pas de signe particulier pour rendre le singulier, en tant que nombre. — Le singulier, — qui n’est à proprement parler qu’un nombre négatif, et dont l’existence est essentiellement relative à celle du pluriel, représente seulement une unité, et cette unité se retrouve toujours dans le pronom qui forme, comme nous le verrons tout à l’heure, la désinence nominale.

Il n’en est pas de même pour le pluriel. C’est bien là

  1. Grammaire comparée des langues indo-européennes, trad. par M. Bréal, Paris, 1866 ; T. I, p. 273.