Page:Revue de linguistique et de philologie comparée, tome 1.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

linguistes de profession une idée de la différence des lois qui régissent le devenir des consonnes dans les diverses familles de langues aryennes, il est bon, ce me semble, de résumer ici quelques articles du code phonologique aryo-latin et de les comparer aux lois fondamentales de la phonologie aryo-germanique. Que deviennent, par exemple, dans ces deux parlers européens, les trois explosives fortes de l’aryaque ?

Dans le latin, elles restent telles quelles, admirablement conservées : p = p[1], t = t, k = k, c, q.

Et que deviennent-elles dans le germanique commun[2] dont le gothique est bien le plus fidèle représentant ? Là, leur explosion brusque, leur fonction d’un instant est remplacée par un sifflement prolongeable exécuté par les mêmes organes qui, dans les trois positions (lèvres, dents, palais), devaient produire la détonation : P se siffle en f ; t en th (th dur anglais) ; K en h fortement articulé.

Ainsi l’aryaque patis, maître, sansk. patis, devient faths en gothique et potis en latin , où l’on trouve aussi com-pos, com-pot-is, im-pos, im-pot-is, pot-eram (j’étais maître de, je pouvais).

Ainsi l’aryaque patar, père, sansk. pitar, subit deux sifflements et devient fathar en germanique commun, angl. father, goth. fadar[3] ; mais il se soutient ferme dans le latin pater.

  1. Les lettres majuscules représentent ici les consonnes aryaques.
  2. M. Schleicher l’appelle « Deutsche Grundsprache. »
  3. Bien que le gothique soit la forme la plus ancienne et la mieux conservée du parler germanique, il ne faudrait pas, comme on l’a fait trop longtemps en Allemagne, le considérer comme le père de l’ancien-haut-allemand, du Saxon, etc.