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cation et leur forme syllabique, sans jamais séparer l’un de l’autre.

J’élaguai soigneusement toute valeur métaphorique, ne conservant à chaque vocable que sa signification directe. J’avais déjà remarqué que la parole aryenne ne possède aucune racine peignant directement et par soi une action du goût ou de l’odorat, goûter, se disant d’ordinaire par des verbes au sens premier de manger, dévorer, et flairer se référant à des racines à la signification directe de souffler, venter, aspirer, respirer. Un fait plus grave me frappa coup sur coup. Je remarquai que tout ce qui est relatif aux sensations visuelles se trouvait dans le même cas au point de vue de sa manifestation par la parole, la lumière ayant été dès le commencement assimilée à un fluide, à un liquide, et les verbes au sens de répandre, couler, signifiant aussi luire, briler, resplendir d’où voir, faire voir ou montrer, sans compter flamber, brûler, cuire et mûrir.

La parole est aveugle.

Aveugle, soit ; mais, comme aux aveugles, il lui reste deux grands moyens de sentir et d’exprimer : le tact et l’ouïe. Le tact ! Cette idée du tact et des fonctions tactiles dans la parole fut toute une révélation pour moi. Je compris dès lors la vraie nature de la consonne, et, quittant pour quelques jours les voies de l’a posteriori je me mis à réfléchir longuement sur tout ce que pouvait donner au langage l’association intime du tact et de l’ouïe. Agir par l’intermédiaire de l’ouïe sur son propre tact général et sur celui des assistants, voilà bien ce que fait le parleur. S’agit-il des imitations de bruit ? le sens de l’ouïe joue le principal rôle dans cette association binaire, et la voyelle, surtout dans les imitations de cris, ne saurait être impunément changée. Comment pourriez-vous