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LA ROUE À PUISER LES ÂMES

DU MANICHÉISME


Les anciens se sont beaucoup préoccupés de la manière dont les âmes des défunts pouvaient s’élever jusqu’aux cieux étoilés, et il n’est guère de mode de locomotion qu’ils n’aient imaginé pour leur ascension[1]. Parmi ces moyens de transport, un des plus singuliers est certainement celui que leur ont réservé les manichéens. Le fils de Dieu, suivant ceux-ci, avait créé pour leur salut une machine munie de douze jarres ou pots (κάδοι, urcei) qui, tournant avec la sphère céleste, puisait (ἀνιμᾶσθαι ou ἐξαντλεῖν) les âmes des morts et les portait jusqu’au vaisseau du soleil. Celui-ci, après les avoir purifiées, les transmettait à la lune dont le disque s’arrondissait à mesure qu’elle s’en chargeait, jusqu’à ce qu’elle fût pleine[2]. Cette roue à douze godets n’était autre dans la pensée de Mâni, que le cercle du zodiaque[3], dont la révolution quotidienne fait passer chaque signe de l’horizon à son apogée pour l’abaisser ensuite vers le couchant.

  1. Cf. mon article sur l’Aigle funéraire des Syriens dans la Revue de l’histoire des religions, t. LXII, 1910, p. 142 ss.
  2. Hégémonius, Acta Archelai, c. 8 (p. 12 Beeson) : Ἐλθὼν οὖν ποιεῖται τὴν δημιουργίαν πρὸς σωτηρίαν τῶν ψυχῶν καὶ μηχανὴν συνεστήσατο ἔχουσαν δώδεκα κάδους, ἥτις ὑπὸ τῆς σφαίρας στρεφομένη ἀνιμᾶται τῶν θνησκόντων τὰς ψυχὰς καὶ ταύτας ὁ μέγας φωστὴρ · ταῖς ἀκτῖσι λαβὼν καθαρίζει καὶ μεταδίδωσι τῇ σελήνῃ, καὶ οὔτως πληροῦται τῆς σελήνης ὁ δίσκος. La vieille traduction latine dit : « Filius Dei… machinam quandam concinnatam ad salutem animarum, id est rotam, statuit, habentem duodecim urceos ; quae per hanc spheram vertitur hauriens animas morientium, quasque luminare maius, id est sol, radiis suis adimens purgat et lunae tradit et ita adimpletur lunae discus. »
  3. Épiphane, Adv. haeres., LXVI, 9 (III, p. 27, Dindorf) : Ἡ σοφία τοὺς φωστῆρας τούτους κατέθετο ἐν οὐρανῷ, ἥλιον καὶ σελήνην καὶ ἄστρα, μηχανὴν ταύτα τὰ ἐργασαμένη διὰ τῶν δώδεκα στοιχείων, ὧν οἱ Ἕλληνες φάσκουσι, καὶ ταῦτα τὰ στοιχεῖα διισχυρίζεται ἀνιμᾶσθαι τὰς ψυχὰς τῶν τελευτώντων ἀνθρώπων τε καὶ τῶν ἄλλων ζώων φαεινὰς οὔσας · φέρεσθαι δὲ ἐπὶ τὸ σκάρος · πλοῖα γὰρ θέλει λέγειν ἥλιον καὶ σελήνην. La Formule d’Abjuration imposée aux Manichéens dit, par abrégé, (Migne, P. G., I, col. 1465 B) : Τὰς ψυχὰς… Θεὸν ἐξαντλεῖν κατώθεν διὰ τοῦ ἡλίου καὶ τῆς σελήνης, ἂ καῖ πλοῖα καλοῦσιν, sans mentionner la roue. Cf. aussi Priscillien, Tract. I, p. 26, 21 Schepss : rota geniturae. — Sur les « vaisseaux » du soleil et de la lune, Cf. mes Recherches sur le manichéisme, p. 29.