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vrages qu’ils sont tenus d’exécuter. Cependant leurs supérieurs sont en grande estime, surtout lorsqu’ils sont savants, car alors ils vont de pair avec les grands du pays, sont appelés moines du roy, et en portent les insignes sur leurs habits. Ils jugent comme officiers subalternes, et font leurs visites à cheval, étant fort bien reçus et régalés partout où ils passent. Les simples moines ne peuvent rien manger qui ait eu vie ; ils se rasent les cheveux et la barbe, et la conversation des femmes leur est interdite. Si quelqu’un d’entre eux manque à ces règlements, on lui donne soixante-dix ou quatre-vingts coups sur les fesses, et il est chassé du cloistre. Dans le temps de leur première tonsure ou incontinent après, on leur fait une marque au bras qui ne s’efface jamais, et c’est à cela qu’on reconnoît ceux qui ont été en religion. Ils travaillent pour gagner leur vie, ou ils font quelque commerce, d’autres vont à la quête, et tous ont quelque légère pension du gouverneur. Ce sont eux qui apprennent avec grand soin à lire et à écrire aux petits enfants. Si les enfants veulent être rasés, ils les retiennent à leur service, tirent tout le fruit de leur travail et de leur industrie ; mais, à la mort de leur maître, ils sont affranchis, et héritent de ses biens. Aussi sont-ils obligés d’en porter le deuil comme de leur père, en reconnoissance de toute la peine qu’il a prise pour les instruire et les élever. Les cloistres et les temples sont bâtis aux dépens du public, chacun contribuant à proportion de son bien. Outre ces moines, il y a encore une autre sorte d’individus qui se vouent à l’abstinence et au service des idoles, mais ils ne sont pas rasés, et ils peuvent se marier. Les uns et les autres croient par tradition que tous les hommes ne parloient autrefois qu’un même langage, mais que le dessein de bâtir une tour pour monter au ciel avoit causé la confusion des langues.

Les nobles fréquentent beaucoup les cloistres pour s’y divertir avec des femmes publiques ou d’autres qu’ils y mènent ; la situation en est ordinairement délicieuse et plaisante, à cause de la beauté des vues et des jardins dont ils sont entourés ; de sorte qu’on pourroit